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Faculté de droit, de sciences criminelles et d’administration publique

L’embryon de la formation juridique se met en place dès la fin du XVIème siècle au sein de l’Académie de Lausanne avec les premiers cours qui sont dispensés par le Professeur français De Prez de 1598 à 1600 et ceux hebdomadaires de jurisprudence du Bâlois Jean Steck, de 1611 à 1616[1]. A cette époque, il n’existe pas de carrière d’avocat ou de magistrat: aucune étude n’est nécessaire pour accéder à ces postes qui sont très souvent réservés aux Bernois. Ce fait pourrait expliquer en partie le manque d’intérêt porté au droit au Pays de Vaud et son lent démarrage.

En effet, on doit la création de la première chaire de droit et d’histoire de l’Académie au bailli Jean-Jacques Sinner en 1708 dont le dessein est de répondre aux besoins de l’administration de la justice. Le Conseil de Ville de Lausanne accepte la chaire mais désire que les cours sur les coutumes vaudoises et lausannoises soient donnés en langue française. Les Bernois répondent favorablement, mais pour éviter tout risque d’insoumission, exigent que l’enseignement du droit romain soit en langue latine[2]. En effet, la langue d’enseignement pose problème au XVIIIème siècle, ce qui a pu freiné l’essor de l’étude du droit. Au Moyen Age, la langue judiciaire et notariale est le latin, mais au moment de l’arrivée des Bernois en 1536 ils prescrivent l’usage du français pour les actes notariés. Cependant, le latin demeure la langue officielle de l’Académie.

A ce propos, Gabriel Olivier (1653-1715), magistrat, défend que le choix de la langue devrait se faire en fonction de l’utilité de l’enseignement: à savoir le droit naturel et commun en latin et le droit positif en français[3]. Selon lui, le latin représente un obstacle pour les jeunes Vaudois, qui en ont bien souvent une connaissance insuffisante. Malgré le compromis lors de la création de la chaire de droit, le français ne s’est pas encore imposé.

Après maints périples, le règlement de l’Académie de 1788 scelle l’avenir glorieux du français en laissant aux professeurs le libre choix de la langue de leur enseignement. Le triomphe du français prépare ainsi l’entrée future du droit positif à l’Académie[4].

La chaire de droit de l’Académie est inaugurée en 1708. Il faudra cependant attendre 1711 pour la voir attribuée au Professeur Jean Barbeyrac (1674-1744), réfugié français. Ce dernier dispense les cours de droit romain en latin et ceux de droit naturel[5] et d’histoire en français.

Le droit naturel se fonde sur «l’ensemble des règles de conduite de l’homme en société procédant soit de sa nature d’être animal, soit de sa nature d’être raisonnable, soit de sa spécificité ontologique»[6]. Dans cette perspective, le Pays de Vaud a joué un rôle considérable de vulgarisation et de diffusion des doctrines du droit naturel moderne (jusnaturalisme). Il apparaitra comme un médiateur entre la culture allemande et celle française de Rousseau et de Montesquieu. En effet, c’est Barbeyrac qui apporte les traductions françaises de Samuel Pufendorf, Le Droit de la Nature et des Gens, et de Grotius et qui développe les thèses sur l’état de nature et le contrat social. L’Etat est perçu comme une personne morale dont la volonté résulte de l’ensemble des volontés individuelles. Les théoriciens du droit naturel s’opposent au pouvoir arbitraire du Prince, ce qui constitue les premiers germes de la future Révolution française.

On peut dès lors légitimement se poser la question du choix de lier le droit et l’histoiredans une même chaire. L’histoire est remplie d’enseignements et permet de connaître l’origine des choses, de connaître l’homme, ses comportements, ses capacités et pour quoi il est fait. Elle devient donc utile voire nécessaire pour comprendre la science juridique. En effet, le droit naturel repose sur la connaissance de l’homme et ce qui convient à sa nature et réciproquement par l’étude du droit, on développe un esprit critique en histoire.

Cependant, le manque d’intérêt, le peu de curiosité intellectuelle et le faible taux de fréquentation des cours poussent, entre autres choses, Barbeyrac à quitter son poste en 1717 pour Groningue (NL). La carence en étudiants serait due à une connaissance insuffisante du latin et comme cité ci-dessus les études juridiques n’étaient pas obligatoires pour accéder au notariat ou au barreau.

Malgré le peu de succès de la chaire de droit et d’histoire, le Conseil de Berne décide, en mai 1717, de la maintenir avec la nomination du jeune Charles-Guillaume Loys de Bochat (1695-1754). Ce jeune professeur de 22 ans enseigne le droit naturel et civil, l’histoire et la statistique. Avec son ami Gabriel Seigneux de Correvon, tous deux anciens élèves de Barbeyrac, ils élaborent le premier projet de transformer l’Académie en véritable université et d’en faire le centre universitaire du monde protestant européen dont les cours seraient donnés en langue française. Cependant cette idée ambitieuse se soldera par un échec[7].

Les conditions de travail de Loys de Bochat sont précaires, notamment parce qu’il manque cruellement d’étudiants. En 1740, il quitte son poste de professeur pour celui de lieutenant baillival de Lausanne. Cette année marque un tournant dans l’évolution du droit au Pays de Vaud. La question se pose à nouveau quant au maintien de la chaire de droit et d’histoire: on y répond favorablement, car elle permet aux jeunes Vaudois de faire leurs études juridiques sur place et elle attire les étudiants étrangers, ce qui représente toujours une source de profit pour la ville. La nouveauté réside dans le nouveau règlement édité le 12 septembre 1740 qui institue une chaire propre de droit.[8] La constitution de cette filière unique de droit permet de promouvoir les études juridiques et de les imposer, petit à petit, comme indispensables pour la profession d’avocat et de magistrat. En d’autres termes, on met en place un processus pour valoriser l’enseignement des sciences juridiques notamment par l’immatriculation des étudiants inscrits dans ladite filière. Le successeur de Loys de Bochat, Béat-Philippe Vicat, enseignera le jus naturae et gentium[9], les Institutes de Justinien et le droit romain.

Cependant, il faut attendre le début du XIXème siècle pour voir l’esprit juridique et la connaissance du droit positif prendre essor au sein de l’Académie. Jusque-là, la science juridique demeure axée sur le droit naturel et la culture historique[10].

La loi de 1806 promeut les sciences juridiques avec l’institution d’une deuxième chaire de droit en plus de celle de droit naturel: le droit civil romain et le droit coutumier vaudois. Ce sera finalement la loi du 21 décembre 1837 qui créera la Faculté de droit de l’Académie de Lausanne. Elle se compose de quatre chaires: le droit civil, le droit pénal et philosophie du droit, le droit public et international, le droit romain et histoire du droit. A côté de cela, l’étudiant a la possibilité de suivre des enseignements libres tels que les cours de médecine légale de Charles Hoffmann ou les cours d’économie politique d’Antoine Cherbuliez. La Faculté ne cesse alors de s’agrandir et de se diversifier. Dès 1869, deux chaires supplémentaires sont crées: le droit comparé et l’économie politique. En effet, Léon Walras est nommé en 1870 à la chaire d’économie politique et formule «des modèles mathématiques de l’équilibre économique sous les conditions de concurrence parfaite», connus sous le terme d’équations de Walras.

Le XIXème siècle marque le développement exponentiel du droit à Lausanne comme l’installation du siège du Tribunal fédéral à Lausanne en 1874. Et sur la même lancée une cinquième chaire de droit, celle de droit romain, est créée. Le droit est définitivement ancré à l’Académie et se porte bien.

Au moment de l’institution de l’Université de Lausanne en 1890, la Faculté compte sept chaires. Elle veut augmenter le nombre de cours et dans son optique, elle aimerait faire de Lausanne le centre universitaire suisse de droit. En outre, elle rompt avec la tradition lausannoise en supprimant le droit naturel au profit d’une doctrine pure du droit.

Léon Walras porte un intérêt aux problèmes sociaux et en fait cas dans son enseignement: ce sont les timides débuts de la sociologie. Son successeur Vilfredo Pareto pousse le cheminement plus loin et met en scène l’homo oeconomicus. agissant selon l’ophélimité[11]. Il consacrera certains cours aux systèmes sociaux, à l’égalité et la redistribution des richesses sous le titre encore flou de sciences sociales et politiques. L’œuvre de Pareto associée à celle de son prédécesseur Walras a conféré à l’Université une notoriété internationale[12]. On parle de «L’Ecole de Lausanne» pour désigner le courant d’économistes néoclassiques animé par les disciples de Walras et Pareto.

La Faculté de droit se voit successivement complétée en 1909 par l’Institut de police scientifique, puis en 1911 par l’Ecole des Sciences Sociales et Politiques (SSP) et celle des Hautes Etudes Commerciales (HEC). La Faculté de droit est donc la mère de deux futures facultés: la Faculté des sciences sociales et politiques (1977) et la Faculté des HEC (1978).

Au fil des années, la Faculté de droit va s’agrandir et se diversifier. A la fin des années 1970, on assiste à la création de différents centres comme celui de droit français en 1977, qui deviendra un an plus tard l’Institut de droit français (IDF) ou encore le Centre de recherche sur le droit de la responsabilité civile et des assurances (IRAL) créé en 1973 et devenu en juin 2009 l’Institut du droit des assurances et du travail (IDAT).

Comme à ses débuts, l’économie politique est toujours liée à l’enseignement du droit et indispensable pour tout juriste. Le Centre de recherches interdisciplinaires Walras-Pareto, fondé en 1990, témoigne encore aujourd’hui de cette proximité.

En 2010, après la mise en place des accords de Bologne, la Faculté compte 7 sections: droit privé, droit de l’entreprise, droit de la responsabilité civile et des assurances, droit public, droit comparé, européen et international, droit notarial et le centre d’histoire de la pensée économique Walras-Pareto. Ajoutons à cela les différents instituts et centres qui entretiennent avec la Faculté de droit des liens plus ou moins importants comme l’Ecole des sciences criminelles (ESC), l’Institut suisse de droit comparé (ISDC) ou la Fondation Edouard Fleuret.

Matilde Correia - UNIRIS 2014

Notes

[1] Danielle Anex-Cabanis, «Des leçons de droit à la Faculté», in. De l’Académie à l’Université de Lausanne: 1537-1987, 450 ans d’histoire, Lausanne: Musée historique de l’Ancien-Evêché, 1987, p. 91.

[2] Idem.

[3] Jean-François Poudret (dir.), L’enseignement du droit à l’Académie de Lausanne aux XVIIIème et XIXème siècles, Lausanne: Université de Lausanne, 1987., p. 23.

[4] Ibid., pp. 21-27. Le droit positif renvoie à l’ensemble des règles juridiques en vigueur dans un Etat ou une communauté.

[5] On entend par droit naturel l’ensemble des normes qui prennent en considération la nature de l’homme et sa finalité dans le monde.

[6] http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F8934-1-1.php (consulté le 9 juillet 2014).

[7] Danielle Anex-Cabanis, «Des leçons de droit à la Faculté», in op. cit., p. 92.

[8] Ibid., pp. 171-172.

[9] Soit le droit naturel et des gens.

[10] Jean-François Poudret (dir.), op. cit., p. 5.

[11] Consistant en l’utilité subjective retirée de la valeur d’un bien. C’est la valeur d’usage de ce bien, qui n’a rien à voir son l’utilité (valeur objective). Ainsi pour les Incas l’or avait une grande ophélimité mais aucune utilité.

[12] André Delessert, L’Université au défi. Une histoire sociale de l’Université de Lausanne, Lausanne: Payot, 1991, pp. 140-144.