Images  éco‑responsables

La compression des images réduit le poids des pages et leur chargement.

En savoir plus

Rechercher dans

Chroniques de l'UNIL et autres anecdotes

En 1890 l'Académie de Lausanne est transformée en université grâce au legs de Gabriel de Rumine et à la création de la Faculté de médecine. Jusqu'alors c'est à Berne que les futurs médecins suivaient leur formation à partir de la deuxième année. Mais l'anatomie est déjà au programme de première à Lausanne depuis 1882. A cette époque la médecine occupe le bâtiment de l'ancienne douane entre les rues Martheray et Caroline, à l'emplacement de l'actuelle Bibliothèque pour tous.

Edouard Bugnion, de la grande famille des banquiers propriétaires de l'Hermitage, a enseigné l'art vétérinaire à Zurich. Il est le premier titulaire de la chaire d'anatomie et y dirige les travaux de dissection.

Notre photo représente une dissection à Lausanne vers 1890. Mais à y regarder de près quelques éléments étonnent. Pourquoi ces fenêtres gothiques et ces fleurs grimpantes? Que vient faire un coffre Renaissance dans un tel espace? Pourquoi le mort est-il étendu sur une table de salon nappée, des coussins remplaçant le traditionnel plot de bois destiné à soutenir la nuque ?

Il s'agit d'un canular estudiantin, d'une photo mise en scène par un groupe d'étudiants, parmi lesquels on reconnaît à gauche Henri Vuillet, qui succèdera à César Roux comme professeur de chirurgie. Le deuxième est Eugène Olivier, historien de la médecine, petit neveu de Juste Olivier et frère de Franck, l'éminent latiniste. Quand au cadavre, il s'agit de Fernand Paccaud, un étudiant qui fera une carrière mouvementée en Egypte et mourra… dans les années 1940. Le décor est une toile de fond peinte, traditionnelle des studios photographiques de l'époque.

Pas de textiles, de coussins ni de nappes dans les locaux de dissection pour des questions d'hygiène. En revanche on y trouve des crânes et des squelette. Et notamment celui du foetus "cache-sexe" qui apparaît sur les véritables photos de dissection de l'époque.

Olivier Robert

Ce qui frappe sur ce grand mur de l'Anthropole (ex BFSH 2), c'est ce tag isolé. La photo est légèrement postérieure au 450e anniversaire de l'Université en 1987.

Au début de cette année-là, la conférence de presse organisée par le Rectorat amène les journalistes à déterrer le cadavre presque oublié de Benito Mussolini, récipiendaire en 1937, parmi 50 autres, d'un doctorat honoris causa de l'Université de Lausanne. L'explosif "Dossier Mussolini", oublié depuis plus de 10 ans, chez un professeur d'histoire, étant réapparu par miracle, le Rectorat décide d'en publier le contenu intégral, afin de calmer le jeu et d'affirmer clairement que l'Université n'a rien à cacher.

L'édition des documents fait retomber l'insipide soufflé et la cérémonie se déroule dans une sérénité toute académique. Sollicitée de retirer son titre au dictateur italien, l'institution affirmait alors courageusement qu'on ne récrivait pas l'histoire mais qu'on tentait de la comprendre. Quelques mois plus tard le personnel d'entretien de l'UNIL découvrait avec stupeur un tag incongru et isolé: «Espace Mussolini» avec les deux S rappelant une certaine tradition allemande d'époque.

Ceux qui passent par Dorigny sont peut-être surpris de voir que les parois des bâtiments sont vierges, contrairement à certaines universités étrangères. Lorsqu'un «artiste» s'exprime sur un mur, son œuvre est masquée comme on le devine à l'examen des traces illisibles qui entourent le dessin à hauteur d'homme. Notre photo est quasiment un instantané car le tag disparut dans les heures qui suivirent et la pureté du béton brut reprit ses droits.

En mai 1997, lors des manifestations liées aux mesures Orchydée, qui bousculent moralement l'Université et physiquement le Conseiller d'Etat Jean-Jacques Schwab, les étudiants ne souillent pas les murs mais manifestent dans les bâtiments avec des porte-voix et des calicots de drap tagués à la bombe qu'ils fixent avec respect sur les murs à l'aide de scotch de carrossier. Le tag ne fait pas partie de la tradition estudiantine lausannoise.

Olivier Robert

À la création de l'Université en 1890 le poste de professeur est considéré comme prestigieux. Ce qui permet à l'Etat de le doter d'un salaire relativement modeste d'environ 4'000 francs par année (env. 40'000 francs actuels).

Les professeurs de droit ou de médecine complètent leur revenu grâce à une clientèle privée. Mais un professeur de théologie n'en a pas. Aussi à l'époque les enseignants enseignent jusqu'à leur mort. La lancinante question des caisses de pension ne sera résolue qu'après la seconde guerre mondiale et l'AVS n'entrera en fonction qu'en 1948.

Avec ses 54 ans de professorat Henri Vuilleumier bat, par choix ou par obligation, tous les records de longévité professorale. Pasteur à l'Etivaz, puis professeur d'hébreux au gymnase cantonal, Vuilleumer est nommé à la chaire d'Ancien testament et d'histoire ecclésiastique de l'Académie en 1869. La famille compte onze enfants, qui seront médecin, pasteur, juriste, chimiste… La famille habite au centre de Lausanne une jolie maison de la rue du Midi, sise sous l'actuel Conservatoire de musique, aujourd'hui permanence éducative. La photo montre la famille devant la maison. Assis par terre le petit Henri, le cadet, fera une belle carrière de médecin à Bex.

Le père ne parvient pas à assurer la subsistance des siens grâce à son salaire et le petit pécule apporté en guise de dot par sa femme, la fille du notaire Gaulis, ne suffit pas. Louise est de santé fragile et ne peut faire face toute seule aux obligations de son grand ménage. Sur la photo, elle semble prématurément vieillie alors qu'elle n'a qu'une cinquantaine d'années. Elle ouvre néanmoins une pension de famille pour arrondir des fins de mois difficiles. L'usage en est courant à l'époque et permet aux étudiants de résoudre le déjà épineux problème du logement.

Louise s'occupera de ses enfants jusqu'à leur majorité et de sa pension jusqu'à sa mort en 1909. Henri lui survivra 16 ans et léguera à la Bibliothèque cantonale une magnifique collection de 800 ouvrages de théologie.

Olivier Robert

Qui sait encore aujourd'hui que le sport à l'Université existait bien avant la construction des salles de sport du bord du lac ?

Cette publicité date de 1900.
Cette publicité date de 1900.
Et celle-là de 1918.
Et celle-là de 1918.

L'étudiant pratique le sport à l'Université mais pas n'importe lequel: cheval, escrime, aviron. D'aucuns pourraient supposer que les sports d'élite sont privilégiés. Pas de boxe, de football, de lutte ou de jiu-jitsu, prisés à l'époque par les classes populaires. Pas de tir non plus, alors que, depuis le Moyen-âge, de nombreuses communes vaudoises ont des sociétés de tir nommées abbayes, comme l'abbaye de l'Arc, à Lausanne, qui remonte à la fin du 17e siècle.

En 1835 la Société de gymnastique est fondée à Lausanne. Elle est réservée aux étudiants. En 1845 trois jeunes y seront refusés parce qu'ils ne sont pas inscrits à l'Académie. A cette époque celle-là propose déjà aux étudiants la fréquentation du manège de l'écuyer Delisle et de l'Ecole de gymnastique de M. Finlay, aux conditions arrêtées par le Conseil de l'Instruction publique.

A la fin du 19e siècle, l'Université entretient des liens avec quelques salles de sport. Et, en 1896, elle dispose d'un club nautique, affilié au Rowing club, qui pratique le "bateau à rames", entendez l'aviron. En 1919, est organisé le premier cross-country de l'UNIL. L'année suivante les sixièmes championnats sportifs universitaires, organisés à Lausanne, voient les étudiants locaux remporter le tournoi de football. Le Rectorat remet 100 francs (env. 500 francs actuels) aux organisateurs en guise de soutien.

Marginal et assez élitaire au début, le sport s'impose et se démocratise peu à peu dans la vie académique. La construction de Dorigny, à l'époque où entre en vigueur la Loi fédérale encourageant la gymnastique et les sports (1972), assure aux activités physiques un développement exponentiel. Le sport devient discipline universitaire. En quarante ans le nombre de disciplines proposées à la communauté académique triple, atteignant plus de 100 en 2013.

Olivier Robert

Rodolphe A. Reiss, chef des travaux photographiques de l’Université de Lausanne dès 1898, obtient la création de l’Institut de police scientifique en 1909. L’Université de Lausanne devient alors la première au monde à dispenser une formation de niveau universitaire dans le domaine nouveau des "sciences forensiques".

Devenu "Institut de police scientifique et de criminologie" en 1954, l’IPSC se voit confier de nombreuses expertises en Suisse et à l’étranger, notamment dans le cadre d’affaires judiciaires.

Entre 1969 et 1970, le professeur Jacques Mathyer, alors directeur de l’IPSC, est chargé de l’expertise de deux projets de billets de banque américains: sa mission consiste à évaluer les deux maquettes proposées (photos) sur le plan général de la sécurité.

De l’expertise, il ressort non seulement que ces projets offrent un haut degré de protection contre la contrefaçon et la falsification, mais encore qu’ayant «un caractère typiquement américain, ils seront certainement adoptés sans difficultés par le public».

Comme on le voit, le billet de 1 dollar porte l’effigie d’Edison; et moins de six ans après son assassinat, c’est John Fitzgerald Kennedy qui est représenté sur la coupure de 20 dollars. A titre de comparaison, il aura fallu attendre près de 50 ans pour voir apparaître Lincoln sur un billet américain…

Ceci étant dit, et malgré l’expertise enthousiaste du directeur de l’IPSC, le projet ne verra jamais le jour. Pourtant, il y a fort à parier qu’un portrait de Kennedy aurait plus durablement marqué les esprits que celui d’Andrew Jackson, obscur septième président des Etats-Unis, qu’on trouve actuellement sur les billets de 20 dollars. La caractéristique la plus utile pour la protection contre la contrefaçon, n’est-ce pas précisément celle qu’un œil profane peut distinguer ?

Sacha Auderset

Au milieu de publicités diverses, le Guide de l’étudiant contient de nombreuses réclames vantant les mérites du tabac sur la vie estudiantine. Nous sommes au début du XXe siècle. Le Guide est alors un condensé d’informations utiles à l’étudiant, parfois sous forme de publicités. De nombreux magasins, hôtels ou pensions, restaurants, salles de sport, librairies proposent leurs offres destinées aux jeunes étudiants.

La place de la fumée et celle de la publicité au sein de l’université: deux éléments qui à travers le temps sont devenus sujets à débats.

En 1921, le quatrième de couverture du Guide de l’étudiant indique: "Etudiants! Pour reposer vos esprits pendant le “quart d’heure académique” ayez dans votre poche une boîte de Philippossian & Cie, Berne".

En 1924, les cigarettes Nestor font plus fort: "Les cigarettes préférées des étudiants, attendues qu’elles sont en purs tabacs d’Orient et d’un effet salutaire sur les fonctions du cerveau. La nouvelle “Nestor-Réclame” […] doit être l’amie fidèle de l’étudiant".

Ces publicités ont alors une place de choix en ce qui concerne la visibilité.

Moins d’un siècle plus tard, en 2005, l’UNIL se veut sans fumée. Les cendriers se trouvent désormais à l’extérieur des bâtiments. A l’occasion de ce changement de pratique, une conférence est organisée, invitant les professeurs Jacques Cornuz, médecin-chef de la consultation de tabacologie de la PMU du CHUV, et Jacques Besson, qui deviendra chef du Service de psychiatrie communautaire du CHUV et spécialiste des addictions. Le discours sur le tabac a radicalement changé : la cigarette n’est plus la bienvenue.

Pourtant qu’en est-il sur le campus ? Dans le numéro de décembre 2013 de l’Auditoire, journal des étudiants lausannois, une étudiante anglaise venue en échange témoigne: "Personne ne s’attendait à découvrir le paradoxe sport-tabac qui semble être au cœur de la vie des étudiants de l’UNIL. Les distributeurs de cigarettes sont éparpillés dans les coins les plus accessibles du campus, fréquentés par les sportifs, tous habillés pour participer au Marathon de Lausanne !".

Le Guide annuel des étudiants est maintenant dépouillé de toute publicité. La fumée est communément considérée comme malsaine dans le campus comme dans la société. Cependant, dans ces deux cas, la situation n’est pas si claire. Le financement de l’Université et l’invitation à la consommation (de cigarettes) restent encore des problématiques pertinentes, sujettes à débat.

Marie-Pierre Bigler

Avant le transfert du Rectorat à Dorigny un petit homme étrangement vêtu arpente les rues de la capitale vaudoise. C’est ainsi que l’on découvre, le portrait de Roger Domenjoz (1922-2011), le dernier huissier de l’Université de Lausanne, sur une vidéo dénichée dans l’univers labyrinthique des Archives de l’Université de Lausanne. Eh oui ! L’Université de Lausanne disposait de son propre huissier, ce qui assimilait en quelque sorte le Recteur à un Conseiller d'État.

Roger Domenjoz a honorablement rempli ses fonctions à l’Université pendant plus de vingt ans jusqu’en 1987. Au début de sa carrière, le Campus de Dorigny n'est pas encore construit et l’Université de Lausanne se trouve éparpillée dans plusieurs dizaines de bâtiments en ville de Lausanne.

Quelles fonctions l’huissier exerçait-il ? Étymologiquement, le terme désigne celui qui ouvre et ferme les portes. Roger Domenjoz cumulait les rôles de responsable de l’accueil et de la réception des visiteurs, celui de distributeur du courrier postal interne et des expéditions des principales publications de l’Université. Il assurait l'impression des grades, leur expédition et la mémoire des gradués de l'institution dont il consignait la liste dans un «grand livre». Il a aussi fonctionné comme gestionnaire des publications, administrant et classant les parutions de l'Université. En civil sur son lieu de travail, il ne revêtait son uniforme que pour les manifestations officielles, notamment le Dies Academicus et les séances du Sénat universitaire.

C’est la loi de 1916 qui dote l’Université d’un huissier. A l’époque il porte un simple manteau noir et un bicorne. C’est Edouard Mauris, recteur de 1966 à 1968, qui obtint qu'il arbore l'uniforme des huissiers de l'Etat de Vaud : redingote vert d’eau, manteau bicolore blanc et vert foncé et bicorne noir à cocarde.

Lorsque Roger Domenjoz prend sa retraite, sa fonction, qui semble alors légèrement anachronique, est reprise partiellement par une secrétaire, Arlette Curty, qui ne portera jamais l'uniforme. Au départ de celle-ci, quelques annlées plus tard, l'Université abandonne définitivement la fonction d'huissier. Les attributs de l'autorité rectorale sont réduits désormais à la chaîne et à la masse (sceptre) d'argent.

C’est sur une note ironique que Roger Domenjoz se remémorait la difficulté qu’il éprouvait pendant les manifestations officielles. Sa fonction l’obligeait à rester debout et à demeurer immobile des heures durant pendant que le recteur et ses invités faisaient leurs discours.

Andrea Vovola, Olivier Robert

Qu’y avait-il avant les Mac ? InternetUNIL met à disposition aujourd’hui de nombreux ordinateurs éparpillés un peu partout sur le campus. Ils sont apparus progressivement à partir de 2000.

Avant cela, l’Université de Lausanne avait déjà montré un grand intérêt pour les bornes publiques. Ainsi en 1996 elle réalisa Cybcérone, avec une équipe de chercheurs à la pointe de l’innovation. En ce temps où l’informatique était un sujet sur toutes les lèvres, l’installation à Dorigny de cette borne interactive novatrice donne l’opportunité à l’Université d'être invitée en qualité d’hôte au salon d’informatique «Computer» au Palais de Beaulieu.

Qu’y avait-il donc de si exceptionnel sur cette borne ? La courte vidéo ci-dessus, réalisée lors de sa mise en place, nous en explique le fonctionnement.

Cybcérone était novatrice grâce à sa « grande simplicité d’utilisation, notamment avec son écran tactile». En 1996, cette technologie nouvelle interpelle, et l’on s’imagine qu’une telle innovation mérite bien tant d’intérêt. Cependant, en observant les images de la vidéo, on comprend tout de suite que Cybcérone est encore très loin des iPhones. La borne est en réalité munie d’une souris et seuls quelques boutons sont tactiles. Toutes les autres manipulations, comme la recherche par mots-clés par exemple, doivent être faites manuellement, en insérant les lettres une à une en les choisissant à la souris.

Mais la borne offre bien d’autres des possibilités. Elle est « munie d’un téléphone, et pourra être équipée d’une imprimante ». L’enthousiasme est donc grand et même si la borne n’est pas encore conçue pour l’impression, le service PrintUNIL sera créé peu après.

Toutefois, ce ne sont pas tous ces petits détails qui ont valu à Cybcérone d’être si intéressante. La véritable nouveauté se trouve sous la borne: une connexion internet. C’est la première fois qu’une borne de ce genre permet, grâce à internet, de faire évoluer les informations en temps réel. Un réel changement pour la vie universitaire du Campus comme nous le prouve la vidéo avec cet exemple concret: la borne affiche les prochains départs du TSOL, l’actuel M1.

La page d’accueil du site internet de l’UNIL en 1997 est disponible sur le site des archives du net : https://web.archive.org/web/19980126195726/http://www.unil.ch/

Marek Chojecki

Après la deuxième guerre mondiale, plusieurs universités européennes se sont déclarées disposées à recevoir des étudiants américains à travers la « Veterans Administration ». L’université de Lausanne a accueilli dès l’été 1946 les premiers étudiants. Lors du semestre d’hiver 1946-1947, les étudiants américains, friands de sports universitaires, ont demandé au chancelier Bonnard de leur procurer l’équipement nécessaire à la pratique du ski. La « Veterans Administration » était sensée fournir la somme de 500$ par étudiant pour couvrir les dépenses de matériel destiné au bon fonctionnement des études.

Cette lettre fait partie de la correspondance entre le chancelier de l’université de Lausanne, la « Veterans Administration » et le consulat américain à Genève.

Face à une administration lente et sinueuse, l’Université de Lausanne s’est trouvée dans une situation quelque peu embarrassante. En effet, après avoir payé le matériel sportif pour les étudiants, la «Veterans Administration» a fait savoir, avec beaucoup de retard, qu’elle ne prendrait pas en charge les frais occasionnés par l’achat de matériel de ski, jugeant ce matériel non nécessaire au bon déroulement des études. Ce document datant de juin 1947 montre bien à quel point le chancelier tente avec une touche d’agressivité d’obtenir des réponses de la part de la «Veteran Administration». Après plusieurs échanges épistolaires, aucune de deux parties ne souhaite payer pour le matériel. Des factures ou reconnaissances de dette sont donc envoyées aux étudiants qui, souvent retournés aux Etats-Unis, s’en acquitteront plus ou moins rapidement.

Stéphane Neri

Le 11 février 1941, une ordonnance du département fédéral de l’économie publique astreint les étudiants suisses à accomplir un service agricole. L’ancienne ordonnance de 1939, exemptant les étudiants de ce travail, est en effet révoquée. L’agriculture suisse en pleine extension a besoin de main-d’œuvre supplémentaire. Les universitaires de Lausanne prennent alors le chemin de la campagne. En collaboration avec l’Office de guerre pour l’industrie et le travail, le Rectorat de l’Université est mandaté pour enrôler la jeunesse estudiantine par le biais de séances publiques d’information, telle celle mentionnée sur l’affiche ci-dessous.

Cette publicité date de 1900.
Cette publicité date de 1900.
Et celle-là de 1918.
Et celle-là de 1918.

L'action était menée du mois d’avril au mois d’octobre, pendant les labours, les semailles et les récoltes. Les étudiants passaient donc 4 à 5 semaines de leurs vacances d’été aux champs. En qualité de bénévole, le travailleur jouissait tout de même d’une rémunération journalière allant de Fr 1.- à Fr 2.50 (entre Fr 6 et 15 actuels). D’entente avec l’agriculteur, ce salaire pouvait être payé en nature. Certains étudiants se sont néanmoins avérés frileux à l’idée d’accomplir la besogne. Le Rectorat de l’Université s’est alors transformé en véritable instance de contrôle. En 1944, les faux-fuyants sont passés au crible et les dispenses dûment surveillées. Les examens de fin d’été et le service militaire sont jugés comme les seules excuses valables.

L’aide à la campagne s’est révélée un succès, malgré quelques réticences. Elle a eu le mérite de remettre en question la division entre la ville et la campagne, entre les intellectuels et les manuels et d’influer sur l’esprit patriotique. Un bon bol d’air pour les étudiants lausannois !

"Jeunes gens ! La Suisse doit parvenir à se suffire à elle-même, pendant la guerre et encore deux ans après la guerre au moins. Avec l’aide de tous, elle le peut. Jeunes gens ! Vous êtes forts ! Aidez les agriculteurs à produire votre pain, vos pommes de terre, votre lait.“
Extrait d’un feuillet de propagande nommé “Action des jeunes pour la campagne : appel aux jeunes hommes de 16 à 20 ans“.

Carine Desponds

Faire le pari d’une université hors de la ville ? Un choix qui devait sembler prudent aux yeux des autorités après les événements de Mai 68, mais qui négligeait, au début des années septante, un point crucial : les possibilités de s’y rendre. Et pour cause, l’accès au campus s’avère compliqué, dès sa construction : les autobus bien trop rares contraignent de nombreux étudiants à venir en auto-stop. Une manière certes inventive et saugrenue d’aller en cours, mais peu pratique sur le long terme.

Manifestation universitaire Place Bel-Air le 19 janvier 1983.
Manifestation universitaire Place Bel-Air le 19 janvier 1983. © © Anonyme / Archives de l'UNIL

Si, suite à la crise des années septante, de nombreux travaux avaient été abandonnés, notamment en matière de transports publics, un ras-le-bol se fait vite sentir. Le 19 janvier 1983, lassés des départs de bus au compte-goutte – à huit heures ou midi pour rejoindre le campus –, les Lausannois sont nombreux à manifester au centre-ville pour dénoncer le manque de moyens de transports : une amélioration rapide des transports («dans les mois qui suivent», scande un tract) est nécessaire pour les étudiants, le corps enseignant et les habitants de l’ouest lausannois. N’ayant cure de ce qu’autorisaient la police en décembre – une manifestation uniquement dans les rues piétonnes – le défilé, venu de Chauderon, traverse allègrement la place Bel-Air pour rejoindre, probablement, la place St-François.

Des messages tels que «on n’a pas le ticket» et «pas boulot, pas dodo, pas métro» dénoncent le parcours du combattant que représente la longue route pour Dorigny. Dans une ambiance bon enfant,la présence d’un âne sur certaines photos raille la lenteur des moyens de transports «offerts» pour rejoindre le campus, tandis que l’adage et oxymore bien connu «hâte-toi lentement», écrit sur une banderole placée à l’arrière d’un autobus, reflète avec humour l’absurde difficulté pour accéder au campus universitaire. Un clin d’œil au célèbre jeu de société ou à la légendaire lenteur suisse?

Il faudra attendre 1991 pour que soit inaugurée la très attendue ligne du TSOL (Tramways du Sud-Ouest lausannois), qui relie le centre-ville à Renens, en passant par le campus universitaire de Dorigny. Si la nostalgie des vieux bus émeut d’abord certains étudiants, le TSOL, rebaptisé «M1», arrangera finalement tout le monde en réduisant le trajet du centre-ville à Dorigny en dix petites minutes. Par ailleurs, il contribuera à l’expansion du campus et à un accès facilité entre l’Université de Lausanne et l’EPFL.

Emma Paccaud

L’avènement des cafétérias de l’Université de Lausanne remonte à 1954 – période durant laquelle l’institution se trouve encore à la cité –, avec la création du Foyer-Restaurant Universitaire (FRU) à la place de la Barre. Cette initiative est l’œuvre du recteur de l’époque, Marcel Bridel, désireux de fournir des repas à moindre coût aux étudiants les plus modestes. Par la suite, accompagnant la construction du Collège propédeutique – actuel Amphipôle – sur le nouveau site de Dorigny (1969-1970), une cantine est aménagée dans une cabane afin de nourrir les ouvriers du chantier. Puis, en 1977, un réfectoire voit le jour en même temps que son bâtiment hôte, l’Internef.

Cafétéria de la ‘banane’, années 1990.
Cafétéria de la ‘banane’, années 1990. © © Anonyme / Archives de l'UNIL

Ce n’est qu’en 1982 que la «cafet’ de la banane», cette institution connue de tout bon étudiant lausannois, est créée, et se trouve très vite assaillie, à la pause de midi, par des hordes de jeunes gens affamés. Tout comme aujourd’hui, l’espace est constitué d’une brasserie et d’une cantine; cependant, observant la photo ci-contre (années 90), l’œil aiguisé d’un habitué des lieux actuels remarque immédiatement un changement: la barrière blanche, isolant le réfectoire du reste de la pièce. Cette clôture, surmontée d’un écriteau sommant toute personne de s’identifier, est le passage obligé des étudiants désirant se sustenter. Ces derniers, après le contrôle des cartes de légitimation et autres bons de repas, sont placés à table d’après leur ordre d’arrivée; un menu unique est ensuite servi par tablée.

Ce système, quelque peu déroutant par son absence de choix – tant pour la nourriture que pour l’attribution des places –, est abandonné progressivement, faisant place, au début des années 2000, au self-service que nous connaissons aujourd’hui. La gamme actuelle de plats végétariens, asiatiques ou orientaux aurait donc constitué un véritable luxe pour l’étudiant des années 1980.

C’est une Bibliothèque !... C’est un BRAs !... C’est une Banane !... Que dis-je, c’est une Banane ?... C’est une Unithèque !

Comment se retrouver sur le campus ? Voilà une question que doit se poser chaque nouvel arrivant à l’Université de Lausanne. Pour aider ses étudiants, l’UNIL organise des journées d’accueil qui donnent les informations nécessaires pour s’y retrouver, généralement via des conférences ou encore des films introductifs.

Une séquence d'un film de 1999 cherche à montrer la diversité et les grandes dimensions du campus. Il aborde également les problèmes des dénominations des bâtiments à l’époque. Entre le BSP, BCH, BFSH, BRA, etc., la narratrice nous présente ces « noms magiques » dans une accumulation incompréhensible. Il s’agit à l’origine d’abréviations utilisées par les architectes lors du chantier de construction de Dorigny: BFSH pour le Bâtiment des facultés des sciences humaines, BSP pour le bâtiment des sciences physiques, etc. Face à ces acronymes, abscons pour les non-initiés, la vidéo met le doigt sur le problème que rencontrent les étudiants lors de leur premier jour à l’UNIL, contraints à déambuler à travers le site tel le clown du film sur ses patins à roulettes.

En 2004, l’Ecole de pharmacie part pour Genève et le bâtiment de pharmacie (BEP) accueille de nouvelles disciplines. Un livreur demandant la pharmacie est envoyé au bout du lac, alors qu’il cherche simplement le bâtiment de pharmacie. L’Université décide alors de renommer les bâtiments. Un concours est lancé dans la communauté universitaire. Il apporte de nombreuses idées: noms liés aux formes des bâtiments, noms de planètes, de montagne, d'utopies, de pays, de personnalité ayant reçu le prix Nobel.

Finalement le Rectorat choisit des mots-valises pour remplacer les noms de chantier: BRA devient Unicentre, BFSH 1 Anthropole, CP Amphipôle, etc… Le BC, qui avait très tôt été surnommé «la Banane» à cause de sa forme et de sa teinte claire, prend le nom d'Unithèque, sans toutefois perdre son surnom populaire.

Marek Chojecki

La question de l’expérimentation animale ne date pas d’hier ! Et, comme bon nombre d’institutions suisses actives dans la recherche, l’Université de Lausanne n’a pas été épargnée. Retour sur quelques faits…

L’imaginaire collectif renvoie souvent à des expérimentations sur de gros animaux. Néanmoins, cette pratique n’a plus cours depuis en tout cas 20 ans. Déjà durant les années 19801, suite à une vague d’articles de presse, les autorités cantonales ordonnent l’abandon d’expériences sur les chats au sein de l’Université. Néanmoins, il faudra attendre 1996 pour que cette disposition entre définitivement en vigueur : suite à une pétition, le doyen de la Faculté de médecine et le vétérinaire cantonal annonçant la fermeture définitive de l’animalerie pour chats.

Au début des années 2000, la question des animaleries lausannoises fait son grand retour dans la presse. Il est alors question de l’animalerie centrale dont l’université veut se doter afin de mener des recherches sur la génomique. Considérée d’un point de vue expert comme nécessaire au bon déroulement de la recherche, un des éléments qui reviendra le plus souvent dans le discours de l’opposition est celui du gaspillage et du manque de collaboration entre laboratoires existants. En effet, à la même époque, l’EPFL, le CHUV et l’Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer (ISREC) nourrissaient également des projets de construction ou de rénovation d’animaleries. Alors que le Conseil d’Etat décide finalement d’offrir le crédit à l’Université pour l’animalerie en 2004, cette décision sera soumise à referendum en 2005 et rejeté par votation populaire.

Et maintenant ? Déjà en 2004, un réseau des animaleries lémaniques a été élaboré. Il est sacré en 2009 d’une convention et regroupe les animaleries de l’UNIL, de l’EPF, du CHUV et des Hospices, de l’UNIGE ainsi que des HUG. Le ResAL vise à la mise à disposition des chercheurs de possibilités optimales d’expérimentation animale en termes de quantité, de qualité, de proximité et de coût.

Au niveau légal, sans s’attarder sur les détails, notons que la législation suisse n’autorise l’expérimentation animale quand sous de très strictes conditions, notamment que s’il est réellement impossible d’utiliser des méthodes alternatives.

Matilde Correia

1 - Fischer, Bertrand. 2000. « Le spectre de la vivisection resurgit en Suisse romande », in Le Matin, 4 novembre 2000

Peu de gens savent qu’il existe une vigne sur le campus de Dorigny.
Peu de gens savent qu’il existe une vigne sur le campus de Dorigny.

Elle est sise à côté de l’Anthropole. En 1991 la Station fédérale de recherches agronomiques de Pully offre 400 ceps de chasselas à l'Université pour marquer le centenaire de la transformation de l’Académie de Lausanne en Université, marquée notamment par la création de la Faculté de médecine en 1890 et la construction du Palais de Rumine sur la Place de la Riponne. Ces 400 ceps produisent, actuellement, quelque 400 kilos de raisins par année, et sont vinifiés à Féchy chez M. Jacques Pelichet.

Les premières vendanges ont eu lieu le 30 septembre 1994. Afin de déterminer quelle étiquette ornera les bouteilles, un concours est organisé. L’œuvre de MM. Stéphane Haeffliger, ancien assistant au Service de presse, et Axel Broquet, responsable du même service remporta le prix.

Etant donné que la vigne n’est pas plantée dans une zone viticole, l’UNIL n’a pas le droit de vendre le fruit de la récolte. Les bouteilles sont principalement consommées lors d’apéritifs ou offertes en cadeau.

Romain Clément

Le campus de Dorigny est un musée qui s’ignore. Laissons de côté les loups anthropomorphes et autres reliefs épars de la Triennale : c’est bien de la collection permanente qu’il est question ici. Car le site fourmille d’œuvres – visibles, moins visibles – voire carrément dissimulées. Une série de toiles et de dessins, prêt de la Collection de l’Art Brut, appartient à cette dernière catégorie : pour l’admirer, les esthètes devront en effet se rendre… au sous-sol du Cubotron. Heureusement, l’exposition se poursuit à la cafétéria de l’Unithèque, côté restaurant, où trônent trois autres toiles « brutes » de grandes dimensions.

 Au musée de Dorigny, il y a aussi des œuvres qu’on ne remarque plus – à force de les avoir sous les yeux. Elles ont souvent été financées par le « pour-cent culturel » : depuis 1979, une somme équivalant à 1% du budget de construction des bâtiments subventionnés par l’Etat est consacrée à leur animation artistique. Généralement conçues pour s’intégrer à l’architecture, ces œuvres font partie du paysage. Au Batochime par exemple, les artistes ont directement utilisé les murs en guise de toile. Le résultat ? Une paroi couverte de signes étranges, empruntés à la tradition alchimique et organisés hiérarchiquement de bas en haut – de la Materia prima (la matière vile) à l’Aurum (l’or).

À l’Anthropole, l’intervention artistique est encore plus extrême, puisqu’elle recouvre la totalité du bâtiment. A l’intérieur, l’œuvre prend la forme de longues lignes en céramique, incrustées dans les murs ; de couleurs différentes, elles symbolisent les diverses facultés qui occupaient le bâtiment à l'origine en 1987. Les façades extérieures ne sont pas en reste : on y distingue en effet des motifs métalliques, des « méandres » – selon la terminologie autorisée – qui font partie intégrante de l’œuvre.

 Mais les productions subventionnées par le « pour-cent culturel » ne sont pas que visuelles : en 2013, à l’occasion de l’inauguration de Géopolis, c’est une œuvre musicale qui a été créée. Intitulée « Géodes », cette pièce de Guy-François Leuenberger peut être écoutée ici.

Toiles ou sculptures, exposées aux murs des auditoires ou devant les bâtiments, les autres œuvres créées avec le concours du « pour-cent culturel » sont plus facilement identifiables. A vous de le retrouver !

Sacha Auderset

Guido Cocchi, architecte en chef du site universitaire de Dorigny, formulait ainsi la double mission du bâtiment qu’il fit construire entre 1979 et 1982 : « Nourrir l’esprit et le corps des étudiants ». L’édifice – dont le surnom de « Banane » survécut à l’appellation initiale de « Bâtiment central », et survivra sans doute à celle d’« Unithèque » – fut en effet conçu pour accueillir sous un même toit les cerveaux avides et les estomacs affamés. Aujourd’hui, ses quelques centaines de places peinent toutefois à contenter les milliers d’appétits qui s’y pressent quotidiennement.

Avant la « Banane », avant Dorigny, c’était au Foyer-restaurant universitaire – au « FRU » pour les intimes – que les étudiants venaient se sustenter. Le FRU prit ses quartiers en 1955 à la rue de la Barre no 1 (à l’emplacement actuel du restaurant « Le Bellini »), à deux pas de l’Ancienne Académie, du Palais de Rumine et de l’Ecole de chimie. Au rez-de-chaussée, un restaurant proposait des repas pour un prix modique (en 1961, le plat du jour est à 1 fr. 90, les pâtes sur assiette sont à 1 fr.) ; à l’étage, les étudiant pouvaient se délasser dans le « Salon vert » – un fumoir – ou à la salle de lecture.

En février 1964, l’émission « Carrefour » de la Télévision suisse romande consacre une partie de son reportage au FRU (vidéo) ; et comme on peut le constater, le problème du manque de place était déjà d’une brûlante actualité. Au FRU, mille repas sont servis chaque jour, et le restaurant dispose de cent places assises. En tenant compte du tournus, qui alloue trente généreuses minutes aux étudiants pour manger, un rapide calcul nous permet de conclure qu’il faut… cinq heures pour servir tout le monde.

Afin d’éviter une telle situation à la “Banane”, les autorités universitaires et cantonales ont récemment ratifié un projet d’extension du bâtiment. D’ici 2019, la cafétéria devrait augmenter sa capacité d’accueil de dix pourcents – c’est déjà très bien. On ne peut hélas que donner raison au journaliste qui, à un autre moment de l’émission, déclare en voix-off : « Cela couvrira les besoins essentiels et immédiats ; mais il faut songer à l’avenir, et, à l’avenir, on n’y songe jamais trop tôt. »

Sacha Auderset

Le jeudi 21 juillet 1977, les représentant-e-s de l’administration vaudoise, du CHUV, de l’industrie privée et la presse sont conviés à la présentation du nouveau Réseau informatique de l’Unil. L’institution est en effet très heureuse de présenter sa récente acquisition: un ensemble de 4 ordinateurs Norsk fonctionnants en réseau, à l'image de celui qui pilotait le nouvel accélérateur de particules qui venait d'être installé au Cern.

L’histoire de l’informatique à l’Université commence en 1958, lorsque l’Institut d’informatique appliquée, après une mission prospective à Cambridge, acquiert un ZEBRA. Cette machine, qui fonctionne avec des rubans perforés et qui ne dispose pas d’écran, doit encore être programmée en «langage machine», sans code de traduction entre l’utilisateur et le calculateur. S’ensuit, en 1964, la création du Centre de calcul au sein de l’Epul.

Cette unité passe sous le giron fédéral en 1969, lors de la création de l’EPFL. L’Unil dépend alors de sa voisine pour réaliser ses calculs. Pour pallier à cette situation peu satisfaisante, le rectorat confie en 1973 le soin de développer un projet informatique propre à l’Université au jeune professeur Pierre Bonzon. La solution retenue, qualifiée de «très moderne et ambitieuse» par un expert externe de l’EPFZ, prévoit de mettre en réseau le Norsk avec les calculateurs de l’EPFL et de l’Etat de Vaud, afin d’offrir aux utilisateurs un système décentralisé et flexible.

Cette grande avancée sur le continent informatique rencontre toutefois certaines résistances. La Faculté des sciences, dont dépendait le Centre de calcul, est très inquiète de respecter la division des champs convenus avec l’EPFL, qui dispose de l’exclusivité en ce qui concerne l'enseignement de l'informatique. A ceci s’ajoute une querelle d’écoles entre les mathématiques pures et la nouvelle discipline, qui résulte dans une certaine méfiance, parfois franchement hostile, des tenants de la première envers la seconde.

L’informatique trouvera alors, dès 1978, refuge au sein de l’Ecole des HEC. Celle-ci assurera son développement pendant les années 1980, et fera œuvre de pionnière en Suisse en permettant très tôt aux étudiant-e-s d’accéder à une salle informatique pour s’initier aux nouveaux mystères électroniques. C’est aussi dans ce cadre que la première utilisation administrative de l’informatique au sein de l’Université verra le jour, sous la forme d’un fichier des étudiant-e-s, rapidement utilisé pour la gestion des notes.

Sylvain Praz

Un grand Merci au professeur Pierre Bonzon pour son aide dans la rédaction de cet article.

Qu’est-ce donc que ce cortège bien rangé de jeunes gens calmes et souriants ? Pour quelle raison manifestent-ils? Quelles sont leurs revendications ?

Depuis la transformation de l’Académie de Lausanne en Université en 1890, le nombre d’étudiants ne cesse de croître, passant de 200 immatriculés en 1890, à 3520 en 1962. La conséquence de cette augmentation est évidente: les locaux de la Cité saturent. Auditoires, bibliothèques et laboratoires, foyer restaurant universitaire (FRU) et logements : tous croulent sous l’affluence toujours plus importante des étudiants. Suite à un ras-le-bol général, ces derniers décident donc de réagir le 10 mai 1963, contre l’avis du recteur, en organisant une manifestation dont les principales réclamations concernent le développement de l’Université, mais également la mise en place de bourses d’études et d’une assurance-maladie plus efficace.

Comme l’illustre la vidéo, le cortège de quelque 2000 étudiants défilant en rangs sages et silencieux suit un itinéraire partant de la place de la Riponne et empruntant les grands axes du centre-ville lausannois. «Tout s’est déroulé dans le calme et dans la plus parfaite correction», affirme un journaliste de la Nouvelle revue de Lausanne, le lendemain du défilé. Par l’étonnante tranquillité de cette manifestation, les étudiants ont réussi leur pari: interpeler les passants et transmettre aux Lausannois leur revendication d’un développement universitaire nécessaire.

Les autorités vaudoises, au courant de ces problèmes depuis bien longtemps déjà, réagissent finalement quelques mois après la révolte estudiantine. En effet, au mois d’octobre 1963, le Conseil d’État met en place une Commission chargée de l’étude du développement de l’Université; le premier bâtiment du nouveau campus de Dorigny – l’Amphipôle – est achevé pour la rentrée d’octobre 1970. Le processus d’expansion de l’Université de Lausanne est en marche.

Parallèlement aux images du défilé, la vidéo laisse voir des images de Lausanne contrastant avec l’état actuel des lieux. La place de la Riponne, aujourd’hui espace entièrement piéton, est à cette époque un vaste parking à ciel ouvert – le parking sous-terrain voit le jour en 1972 –, tandis que sur le Grand-Pont, les rails visibles sur la chaussée rappellent le tramway mis hors service l’année suivante, en 1964. Derrière les manifestants se détache également la devanture du Cineac, fameux cinéma ouvert en 1946 à l’angle des rues du Grand-Chêne et du Grand-Pont. La salle de projection, mêlant actualité, films et dessins animés, fermera ses portes en 1969, six ans après la manifestation étudiante.

En fin de compte, cette vidéo témoigne des derniers instants que vit la capitale vaudoise avant l'important développement urbanistique opéré dans les années 60-70. Construction de l’autoroute Lausanne-Genève terminée par le rond-point de la Maladière, suppression du tramway, mais également déménagement de l’Université à Dorigny et transformation de la Place de la Riponne : des changements survenus dans la mouvance de l’Exposition nationale de 1964.

C’est en automne 1984 que la Grange de Dorigny voit le jour comme espace culturel polyvalent. Ce bâtiment, dans lequel des animaux s’ébattaient encore un an auparavant, servira désormais de lieu d’ouverture de l’université. C’est en tout cas une des volontés exprimées par le Recteur André Delessert, et retranscrite dans un article du 24heures le 12 décembre 1984, lors de l’inauguration officielle le jour précédent.

L’honneur de baptiser les lieux revient à une exposition sur la xylographie, une technique d’impression multi-supports à partir de gravures sur bois. Il faut dire qu’entre concerts, expositions et autres activités associatives, le théâtre ne tenait pas à l’époque une place aussi prépondérante que celle d’aujourd’hui.

Le premier texte à y être joué est «Mistero Buffo» de Dario Fo. Trois représentations sont données à la Grange de Dorigny entre les 15 et 19 janvier 1985. LaNouvelle Revue de Lausanne du 22 janvier 1985 souligne la verve et la sensibilitéde l’interprétation de Jacques Zwahlen ainsi que la mise en scène sobre et intelligentede Jean-Pierre Dorian. Ce spectacle est une réussite, aux dires des critiques.

La presse ne manque pas de qualificatifs pour ce spectacle. Selon le 24heures du 17 janvier 1984, Mistero «Buffo» est un savant mélange de réalisme, d’ironie et d’humour. La Nouvelle Revue de Lausanne, quant à elle, le dépeint comme une sorte de «one man show mystico-comique». Durant une heure, les spectateurs s‘y voient relater certaines paraboles bibliques au travers du regard décalé de mécréants. En guise d’exemple, retenons une relecture de la «Résurrection de Lazarre»; un moment-phare de ce spectacle selon les médias.

Entre 1984 et 1986, ce ne sont pas moins de 10 scènes ou espaces culturels qui ont accueilli cette version de l’oeuvre de Fo, à l’image du Théâtre du Vide-Poche à Lausanne ou du Théâtre de Poche de la Grenette à Vevey. Une «première» de qualité donc pour la Grange de Dorigny.

Durant quelques années le théâtre sera présent occasionnellement à la Grange. Le Service des Affaires socio-culturelles crée un petit bout de poste pour permettre l'accueil de quelques spectacles par année. Ce n’est qu’en 1992 que se met en place une véritable saison théâtrale. Elle confère à ce lieu magnifique, depuis bientôt 25 ans, une destination unique dans le paysage suisse, celui d'un théâtre public dans une université.

Matilde Correia