Thibault Vatter obtained his PhD in Information Systems at the Faculty of Business and Economics (HEC) at UNIL in 2016. He is currently Assistant Professor in the Department of Statistics at Columbia University in New York.
Thesis title: Generalized Additive Modeling for Multivariate Distributions
« Planifiez mieux que moi. Je suis conscient d'avoir eu énormément de chance. C'est quand même risqué de postuler à des bourses ou à des postes de professeurs sans plan B [...]. Ce n’est jamais agréable de ne pas savoir ce qui va nous arriver dans deux mois, si nos financements vont s’arrêter, si l’on va devoir cesser ce que l’on fait : c’est pesant et mieux planifier aurait résolu beaucoup de problèmes. »
Je suis né et j’ai grandi à Genève. Je suis parti à Lausanne pour mes études. Je vis et travaille maintenant à New York..
Ce n’est pas forcément parce que j'étais persuadé de vouloir rester à l’université et faire de la recherche. J’avais peut-être l’impression de ne pas avoir terminé mes études et de ne pas en savoir suffisamment à la fin de mon master. J’avais aussi envie de développer certains sujets. Je n’avais pas spécialement la perspective d’une carrière académique en tête, mais plus une envie de continuer les études et d'en apprendre davantage. J'avais eu un avant-goût à la recherche parce que le projet de master à l’EPFL est un projet très académique. J’avais beaucoup apprécié ce travail et je me suis dit que continuer trois ou quatre ans et en apprendre plus sur le sujet que j'avais choisi n’allait en tout cas pas me fermer des portes pour la suite.
Pas du tout. Enfin, oui et non. Il y en a eu un, mais il a changé très régulièrement.
Non, pas du tout. J'étais parti pour quitter l'académique à la fin de mon doctorat. Lors de ma soutenance en mars 2016, je travaillais depuis huit mois dans la finance dans une entreprise de consulting à Zurich. C’est à cette période que j'ai appris que j'allais partir aux Etats-Unis. J’ai suivi ma femme à New York et je n'avais pas de travail quand je suis arrivé ici. J'ai finalement trouvé un emploi à l’Université de Columbia. J'ai d'abord fait de la recherche postdoctorale grâce à une bourse de mobilité du Fonds national suisse de la recherche (FNS), puis j’ai obtenu mon poste actuel.
Mon rôle a beaucoup évolué. J’ai commencé, si l’on peut dire, par le bas de l’échelle. J’étais surtout avec les laborantin·e·s à apprendre les activités du laboratoire, non seulement la microbiologie, mais aussi la chimie instrumentale. J’ai ensuite fait durant quelques années de la gestion de projet, d’équipe et de planning. Aujourd’hui je fais toujours de la gestion de projet et du lab management, mais je suis aussi largement impliquée dans la projection et le renouvellement des activités de l’entreprise, c’est-à-dire trouver des nouveaux marchés, évaluer la qualité de notre profit, orienter les activités vers telle ou telle analyse en fonction de ce qui pourrait être rentable pour l’entreprise ou en fonction des besoins des marchés émergents.
Pour être honnête, la carrière d'un professeur à l'université est plus déterminée par sa recherche que par ses capacités à être un bon enseignant. Ainsi, lorsque l’on postule pour un emploi à l’Université, c'est davantage la production académique qui va être évaluée. Personnellement, j'aime beaucoup l'enseignement. Les moments les plus satisfaisants de ma carrière n’ont pas été les papiers acceptés, mais lorsque j'ai donné pour la première fois un cours avec 280 étudiant·e·s sur un semestre en 2019. Lors du dernier cours, les étudiant·e·s se sont levé·e·s et ont applaudi. Cela m'a énormément touché.
A l’Université de Columbia, je suis co-responsable de l'organisation des séminaires de recherche du Département de statistiques qui compte 40 professeur·e·s, 60 doctorant·e·s et environ le même nombre de post-doctorant·e·s. Nous invitons des professeur·e·s du monde entier à venir donner une présentation scientifique. Je suis aussi membre d’une commission dans le domaine de la compliance bancaire qui regroupe des professionnels de banques privées et des acteurs académiques.
Je fais des statistiques méthodologiques, ce sont des statistiques qui peuvent s'appliquer à beaucoup de domaines différents. Je continue à aborder certains thèmes que j'ai développés dans ma thèse, la principale différence est que j'ai énormément élargi mes intérêts.
Il y a eu beaucoup de coïncidences. Durant mes études de bachelor en physique à l'EPFL, j’ai réalisé que ce n'était pas forcément un domaine qui m'intéressait et que j'aurais potentiellement de la peine à trouver un emploi qui me plaît après mon master. Pendant mon projet de master, j’ai développé un intérêt pour la finance et les statistiques. C’est à cette période que j’ai rencontré la professeure en HEC Valérie Chavez-Demoulin avec laquelle je suivais un cours. Je lui ai demandé s’il y avait la possibilité d’entreprendre une thèse. Elle m’a engagé pour un doctorat dans un domaine très éloigné de la physique, à l’intersection entre les statistiques et la finance. En commençant ma recherche, j’ai compris que ce qui m'intéressait le plus c'était les statistiques. A la fin de mon doctorat, je voulais repartir dans le domaine de la finance et j’ai travaillé quelques mois en entreprise. Mais je me suis rendu compte que j’appréciais l’académique. Je suis donc revenu dans l’académique quelques mois en 2016 avec deux post-doctorats, l’un à l’EPFL et l’autre à l’UNIL, tout en sachant que j’allais partir l’année suivante aux Etats-Unis où ma femme avait un travail. Lorsque je suis arrivé à New York en 2017, je ne savais pas vraiment si je voulais continuer dans l’académique ou aller dans l’industrie. J’ai postulé dans certaines entreprises de technologie (Google, Facebook). Avec la nouvelle administration américaine, le climat n’était pas propice à l’engagement d’étrangers sans visa ou carte de résident permanent, ce qui était mon cas. J’ai trouvé un post-doctorat à l’Université de Columbia auprès d’un collègue de ma directrice de thèse. Je lui ai écrit, il m'a répondu quelques jours après et je me suis retrouvé en post-doctorat à Columbia deux semaines plus tard. J’ai ensuite obtenu une bourse mobilité du FNS, puis j’ai postulé pour le poste de professeur assistant que j’occupe actuellement.
Planifiez mieux que moi. Je suis conscient d'avoir eu énormément de chance. C'est quand même risqué de postuler à des bourses ou à des postes de professeurs sans plan B – ce qui était mon cas lorsque ma bourse mobilité allait s'arrêter. Il y a eu des moments stressants. Ce n’est jamais agréable de ne pas savoir ce qui va nous arriver dans deux mois, si nos financements vont s’arrêter, si l’on va devoir cesser ce que l’on fait : c’est pesant et mieux planifier aurait résolu beaucoup de problèmes. S’ouvrir des portes en postulant à l’avance à un certain nombre d’emplois et avoir une meilleure idée des possibilités fait partie de cette planification.