Oury Chocron, psychiatre de liaison, CHUV
Lorsque j’ai débuté mes études de médecine, je n’étais pas particulièrement attiré par la psychiatrie. Durant ma 5ème année d’études, j’ai pu effectuer des stages pratiques dans plusieurs disciplines de la médecine (pédiatrie, médecine interne, chirurgie par exemple) et c’est en faisant deux mois en psychiatrie que j’ai décidé de me spécialiser dans cette branche. La FMH, qui décerne les titres de spécialistes, indique pour chaque discipline ce qu’un médecin assistant doit faire pour obtenir le titre souhaité. Pour la psychiatrie, un an en médecine non psychiatrique (par exemple la médecine interne), deux ans au moins dans un hôpital psychiatrique et deux ans de travail en ambulatoire sont demandés, à quoi il faut ajouter un certain nombre de cours, de formations et de supervisions. Ce parcours permet de se constituer un bagage d’expérience riche et varié pour la suite de notre pratique professionnelle. A la fin de mes études, j’ai d’abord travaillé pendant 9 mois en psychiatrie : 50% de mon temps était dévolu à mes travaux de thèse (qui portaient sur l’enregistrement objectif de l’atteinte motrice dans la dépression) et 50% aux urgences psychiatriques du CHUV. La thèse n’est pas obligatoire pour exercer la médecine mais si vous souhaitez faire carrière dans le milieu académique (dans un hôpital universitaire), vous serez rapidement amené à participer à la recherche. Au CHUV par exemple, le cahier des charges des médecins se compose de clinique, d’enseignement et de recherche. J’ai ensuite travaillé une année en médecine interne à Fribourg, deux ans à l’hôpital de Cery et je suis ensuite revenu au CHUV en psychiatrie de liaison. Je suis aujourd’hui chef de clinique adjoint au service de psychiatrie de liaison au CHUV et suis en train de terminer ma spécialisation. L’un des grands avantages de la médecine est l’assurance d’avoir un travail à la sortie des études, et ce au sein d’une large palette disciplinaire où chacun peut trouver sa voie en fonction de ses intérêts et aptitudes. Les études de médecine sont certes longues mais dès la sortie de l’université, vous êtes médecin assistant et gagnez un salaire.
Une des missions du service de psychiatrie de liaison est d’être consultant pour les autres services du CHUV. Nous sommes appelés par des équipes soignantes en cas de besoin d’un avis psychiatrique pour un patient. Nous pouvons ainsi proposer une attitude qui peut aller d’un suivi du patient pendant son séjour à l’hôpital, quelle que soit la raison de son hospitalisation, à un suivi en ambulatoire. Une autre activité importante du service est la supervision des équipes. En effet, en milieu hospitalier, le personnel soignant peut parfois être confronté à des situations difficiles pouvant susciter beaucoup d’émotions. Une de nos missions est de nous occuper des équipes qui prennent en charge les patients, en offrant des groupes de discussion où chacune et chacun peut partager son vécu et apprendre à vivre dans une profession quand même prenante. Ma mission actuelle se divise en trois volets. J’ai une partie de travail clinique auprès de patients hospitalisés ou non. Je supervise également deux médecins assistants et les aide au besoin pour que tout se passe bien pour eux et pour les patients qu’ils suivent. Une autre part de mon activité touche à l’enseignement, tâches qui se répartissent à l’intérieur du service. Nous dispensons des cours de communication et de médecine psychosociale à l’UNIL. Par exemple, nous avons un module pratique en 4e année où les étudiantes et les étudiants s’exercent à annoncer une mauvaise nouvelle. Finalement, ma troisième mission concerne la recherche. Parallèlement à cela, nous suivons régulièrement des formations continues et prenons part à des séminaires, des congrès et à des espaces spécifiques de formation en psychiatrie. En tant que médecin assistant, il y a beaucoup d’opportunités mais tout le personnel médecin participe à des formations continues tout au long de sa carrière.
La psychiatrie est une discipline mal connue et assez stigmatisée car il y a un certain tabou dans notre société autour des difficultés psychologiques. Il s’agit d’une discipline très riche mêlant des aspects médicaux très techniques et scientifiques à des aspects humains et relationnels importants. Une tendance générale en médecine est d’instaurer des protocoles. Mais de manière générale, il faut apprendre à vivre avec l’incertitude, le doute, le questionnement perpétuel car c’est précisément cela qui nous enrichit et nous permet de répondre au mieux aux patients. Les connaissances médicales sont certes importantes mais les qualités d’un bon médecin relèvent d’un certain nombre de savoir-faire et de savoir-être. Les aspects de communication sont ainsi centraux dans la relation médecin-patient et les aspects relationnels et émotionnels sont nécessairement présents et influencent en partie la prise en charge scientifique et médicale, du moins dans les disciplines où les soins aux malades sont au centre de la pratique.