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École de pharmacie

En 1810, la première loi sanitaire vaudoise stipule qu'«il ne sera permis de vendre des remèdes au détail, ou de faire des préparations sur recettes, qu'aux apothicaires ou aux médecins ou chirurgiens qui auront la permission de tenir des remèdes…». C'est le Conseil de santé qui exerce alors la surveillance des apothicaires, les visitant une fois par an au moins. Ceux-ci ont dû effectuer un apprentissage qui leur a permis de devenir soit commis (employé) soit proviseur (gérant). La loi de 1850 impose notamment aux pharmaciens d'avoir suivi des études générales dans les lettres et les sciences et de prouver qu'ils ont fait des études dans les branches de la pharmacie. Si l'Académie peut répondre aux exigences en matière d'études générales, les études spécialisées doivent être suivies dans les Ecoles de Paris, Montpellier et Strasbourg, qui ont une bonne réputation. Les jeunes Suisses fréquentent principalement la plus proche, celle de Strasbourg, tout au moins jusqu'à la guerre de 1870. L'Alsace est dès lors rattachée à l'Allemagne et les enseignements sont désormais donnés en allemand. Certains Romands se trouvent embarrassés par cette situation et la promesse de la création d'une hypothétique école à Nancy renvoie aux calendes grecques la résolution de leur problème.

A partir de 1868 l’Académie a chargé Jules Chastellain, pharmacien formé à Ulm, de donner des cours libres de pharmacologie et toxicologie. Mais la demande se fait de plus en plus pressante de disposer d’une véritable formation professionnelle. La situation internationale crée les conditions favorables à la création d'une école de pharmacie lausannoise. C'est la loi du 23 mai 1873 qui matérialise son existence et en fait la cinquième faculté de l'Académie. Ouverte le 15 octobre à la place du Tunnel, dans les bâtiments Thévenaz-Mello-Losio, elle donne des enseignements de physique, chimie, théorie et pratique des analyses chimiques, botanique, pharmacologie, pharmacie, toxicologie et pratique de manipulations. Toutes ces branches relèvent de deux chaires professorales. Les études durent 4 ans. L'Ecole est dirigée par Henri Bischoff, l'un des fondateurs de l'Ecole spéciale de Lausanne, la future Ecole d'ingénieurs, aujourd'hui EPFL. Il jouera un rôle important dans la question de la répression des fraudes, particulièrement sensible au XIXème siècle. La direction de l'Ecole lui garantit un traitement annuel de 500 francs (env. 6500 francs actuels). Louis Bruttin, un pharmacien d'Yverdon, touche 1500 francs pour les trois heures hebdomadaires de son cours de pharamacie. La pharmacologie revient à Jules Chastellain, qui obtient une dotation hebdomadaire de 5 heures pour un traitement de 2500 francs. En 1874 l'Ecole compte 15 étudiants, 10 Vaudois, un Suisse et 4 étrangers. Le succès est immédiat et en 1879 41 étudiants se pressent aux cours. En 1876, alors que la Loi ne l'autorise pas officiellement, la première étudiante lausannoise, Bertha Schatzmann, s'inscrit…en Faculté de pharmacie, avec un statut d'externe. Elle aura dû obtenir, à titre exceptionnel, l'autorisation du Conseil d'Etat, sur avis unanimement favorable du Conseil de Faculté. Un siècle plus tard le nombre de femmes inscrites en pharmacie dépasse largement celui des hommes.

En 1881 le législateur rattache la pharmacie à la Faculté des sciences, divisée en trois sections: propédeutique médicale — pharmaceutique — scientifique. Les salaires annuels des professeurs ordinaires oscillent désormais entre 3200 à 4000 francs (34000-43000 francs). Devenue école, la pharmacie a perdu un peu de son autonomie mais ne se fond pas complètement dans la Faculté des sciences. La fréquentation tombe à 5 étudiants en 1887, en raison d'une part de la suppression de la section destinée aux futurs commis, d’autre part de la disparition presque complète de l'externat.

En 1890, au moment de la transformation de l'Académie en Université, la Faculté des sciences comporte trois sections dont deux, les sciences techniques et la pharmacie, ont rang d'école. Dans cette dernière la fréquentation augmente régulièrement, passant de 12 étudiants en 1890 à 294 en 1996. Au début du XXème siècle déjà les locaux de la place du Tunnel sont trop petits et les cours sont donnés à la Place du Château, au Palais de Rumine et à la Policlinique.

Parmi les personnalités qui enseignent à l'Ecole de pharmacie, Louis Bourget reste connu des Lausannois grâce au parc qui porte son nom. Il met au point un régime alimentaire à base de poudres alcalines et de farineux, très en vogue à l'époque, invente un instrument pour l'auscultation du cœur, développe le «fameux liniment Bourget» pour les rhumatisants ainsi que «l'eau Bourget» pour les troubles digestifs. Ernest Wilczek laisse un souvenir plus contrasté. Ce franc-maçon allemand a été largement impliqué dans des commissions fédérales de pharmacie, dans celle du Parc National ou dans les cuisines scolaires contribuant à faire rayonner l'institution. C'est lui aussi qui a créé le jardin alpestre de Pont-de-Nant, de Zermatt et le parc à bouquetins de Bretaye. Mais après la première guerre il se signalera à l'attention publique en proférant des propos antisémites qui n'ont rien ajouté à sa gloire.

En 1936, sous l’égide de son directeur Rodolphe Mellet, la pharmacie se réorganise en sept laboratoires qui se développeront, deviendront instituts ou disparaîtront. En 1991 l’Ecole de pharmacie déménage sur le site de Dorigny dans un bâtiment qui lui est dédié, le BEP (bâtiment de l’Ecole de pharmacie). Elle se compose alors de quatre instituts: l’Institut d’analyse pharmaceutique (IAP), l’Institut de pharmacognosie et de phytochimie (IPP), l’Institut de pharmacie gaénique et biopharmacie et l’Institut de chimie thérapeutique (ICT). Le premier d’entre eux date de 1968 et les autres de 1983. En 1994 une Ecole romande de pharmacie est mise en place avec un partage des enseignements entre Lausanne et Genève. A l’époque ce sont les professeurs davantage que les étudiants qui se déplacent. En 1994, à Lausanne, la Section de pharmacie remplace l’Ecole de pharmacie. Elle est toujours rattachée à la Faculté des sciences et poursuit deux objectifs: former les futurs pharmaciens et développer une activité de recherche dans le domaine des sciences pharmaceutiques.

En 2003 la Faculté des sciences disparaît. La pharmacie lausannoise est transférée à Genève en 2003 dans le cadre des projets du triangle Azur, visant à renforcer l'enseignement académique dans des lieux uniques plutôt que de disséminer les forces sur plusieurs sites. L’EPFL récupère les sciences de base (mathématiques, chimie et physique), l’UNIL s’oriente vers les sciences du vivant, Genève reprend la pharmacie le 1er janvier 2004, même si Lausanne conserve quelques enseignements propédeutiques. L'histoire de la pharmacie lausannoise s'achève donc après plus de 130 ans et le BEP, devenu Génopode, abrite des locaux de la Faculté de biologie et de médecine.

Olivier Robert - UNIRIS 2014