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Faculté des lettres

On ne saurait retracer la genèse de la Faculté des Lettres sans remonter à la naissance même de l’Académie de Lausanne. Dès sa fondation, peu après l’invasion bernoise en 1536, la Schola Lausannensis comporte en effet trois chaires: un chaire de théologie, tenue par Pierre Viret, une chaire d’hébreu et une chaire de grec. Le titulaire de cette dernière, Conrad Gessner, deviendra par la suite l’un des principaux précurseurs de la linguistique comparative et de la philologie moderne[1]. Les enseignements dispensés à la Haute Ecole de Lausanne s’inscrivent néanmoins dans une perspective strictement théologique: ils sont conçus comme les outils d’une meilleure appréhension des textes bibliques. Cela n’empêchera pas certains professeurs de s’intéresser déjà à des oeuvres profanes: Théodore de Bèze, titulaire de la chaire de grec dès 1549 et premier recteur de l’Académie, proposera notamment des traductions des écrits de Diodore de Sicile et de Dion Cassius[2].

Si l’étude des originaux grecs et hébreux représente une nouveauté pour l’époque, le latin restera, conformément à la tradition médiévale, la principale langue d’enseignement – et ce jusqu’au début du XIXème siècle. Afin d’assurer une formation linguistique adéquate, des cours de rhétorique et d’éloquence prennent place dans le cadre d’une quatrième chaire, inaugurée en 1542. La nouvelle chaire des «arts» introduit aux ingenuae artes, qui comprennent aussi bien les mathemata (arithmétique, géométrie, physique, etc.) que l’art de la disputatio ou la philosophie. L’enseignement des «arts» prendra une direction plus proprement philosophique suite à la nomination de Claude Aubery, en 1576. Grand commentateur d’Aristote, défenseur de la doctrine des signatures, Aubery se voit toutefois accusé d’hétérodoxie dès 1588; il donnera sa démission peu après.

Au début du XVIIème siècle, la chaire des «arts libéraux» fait définitivement place à une chaire de philosophie. La Reformatio und Ordnung de 1616 fixe le programme et la durée des études: trois ans de philosophie, puis deux de théologie. Le contenu des cours est également strictement défini: pendant près d’un siècle, Leurs Excellences de Berne préconiseront un enseignement conforme aux préceptes de la «Dialectique» de Pierre de la Ramée (1515-1572), qui récuse notamment l’autorité d’Aristote. Orienté principalement vers la «dispute» théologique, l’enseignement philosophique de l’époque ne permet guère de rendre compte des récentes découvertes de la science; à la fin du XVIIème siècle, l’Académie accuse donc un retard important dans la plupart des disciplines scientifiques. Un mandat souverain de 1698 témoigne du conservatisme ambiant: Leurs Excellences interdisent désormais aux libraires lausannois de diffuser les textes de Machiavel, Hobbes ou Spinoza – entres autres ouvrages «athéiots, déistes ou mystiques et phanatiques»[3].

En 1708, une nouvelle chaire de droit et d’histoire est néanmoins créée, à l’initiative du bailli Jean-Jacques de Sinner. Son premier titulaire, Jean Barbeyrac, donne sa leçon inaugurale en langue française. En 1741 déjà, la chaire d’histoire est supprimée, et l’enseignement du droit seul subsiste; comme le notait André Gindroz, «l’étude de l’histoire n’est pas bonne pour un peuple sujet»[4]. Quelques cours d’histoire sont tout de même dispensés pendant le reste du XVIIIème siècle, mais ils dépendent surtout de l’inclination ponctuelle de certains professeurs. La première loi vaudoise sur l’Instruction publique est votée en 1806: sur les quatorze chaires de l’Académie, aucune n’est encore dévolue à l’histoire.

Pendant près de trois siècles, l’Académie de Lausanne a eu pour vocation principale de former des pasteurs. Avec l’entrée en vigueur de la Loi du 21 décembre 1837 sur l’Académie, la sécularisation de l’enseignement commence enfin. Les cours, désormais donnés en français, sont répartis entre trois facultés: Lettres et Sciences, Droit, Théologie. L’Académie connaît alors une intense période de rayonnement intellectuel, notamment en Faculté des Lettres et Sciences: Juste Olivier est professeur d’histoire, Charles Secrétan est professeur de philosophie, Adam Mickiewicz enseigne la littérature latine et Sainte-Beuve, en visite à Lausanne, donne un cours sur Port-Royal. A l'exception de Mickewicz chacun donnera son nom à une rue de Lausanne. Cet âge d’or prend brutalement fin avec l’arrivée au pouvoir des radicaux, en 1845: les professeurs de Lausanne – en majeure partie libéraux – sont destitués ou donnent leur démission.

En ce milieu de XIXème siècle, les disciplines scientifiques acquièrent une importance inédite et se détachent petit à petit du terreau philosophique qui les a vues naître. La loi du 12 mai 1869 sur l’enseignement supérieur entérine définitivement le divorce des lettres et des sciences (sauf pour la géographie qui ne sera rattachée aux sciences qu’à partir de 2003): l’Académie compte désormais une faculté des Lettres et une faculté des Sciences distinctes. A la même date, le gymnase vaudois est également divisé en deux sections: littéraire et scientifique. Dorénavant l’enseignement en Faculté des Lettres sera principalement orienté vers la philologie, les langues et la littérature. La loi du 10 mai 1890, qui accorde à l’Académie le statut et le nom d’Université de Lausanne, enrichit toutefois le catalogue des cours de la jeune faculté: un enseignement d’«histoire des arts plastiques» et un enseignement de «pédagogie» voient le jour. Auguste André donne quant à lui ses premiers «cours de diction» en qualité de lecteur; sensible à la condition des étudiants non-francophones, il crée l’Ecole de Français moderne (EFM) vers 1902. L’EFM est rattachée à la Faculté des Lettres, et elle le reste encore aujourd’hui sous le nom d’«Ecole de français langue étrangère» (EFLE).

De nouveaux enseignements apparaissent dans la première partie du XXème siècle; c’est notamment le cas de la géographie (enseignée dès 1907) et de l’archéologie (vers 1944). Mais les véritables transformations structurelles n’interviendront qu’après la mise en œuvre de la Loi sur l’Université de Lausanne (LUL) de 1977. Le règlement de la Faculté des Lettres de 1982 ne fait plus mention de chaires professorales; ce sont désormais quatorze «sections» qui composent la Faculté. Cette dernière comprend en outre trois «instituts» - l’Institut de géographie (IGUL), l’Institut d’archéologie et d’histoire ancienne (IAHA) et l’Institut Benjamin Constant (IBC) – ainsi qu’un «Centre de recherche sur les lettres romandes» (CRLR). Les bouleversements ne sont pas qu’administratifs: pour pallier au nombre croissant d’étudiants – le nombre d'étudiants en Lettres passe de 343 (1970) à 928 étudiants (1980)[5] – les sections investissent peu à peu les locaux du BFSH 1 (dès 1977) et du BFSH 2 (dès 1987) à Dorigny.

La configuration des unités se précise progressivement et la Faculté présente bientôt le visage qu’on lui connaît aujourd'hui: vingt-deux domaines d’enseignement répartis en douze sections, deux écoles (l’EFLE et l’Ecole du Cours de vacances), neufs centres d’enseignement et de recherche et deux départements interfacultaires.

Lorsque l’Académie prit officiellement le nom d’«Université de Lausanne», en 1890, la Faculté des Lettres comptait seize étudiants; en 2014 – et malgré le départ de la section de géographie, qui a rejoint la Faculté des Géosciences et de l’Environnement en 2003 –, plus de 2'000 étudiants y étaient immatriculés[6].

Sacha Auderset - UNIRIS 2014

Notes

[1] Voir notamment l’opuscule publié en 1555, Mithridates. De differentiis linguarum tum ueterum, tum quae hodie apud diuersas nationes in toto orbe terrarum usu sunt, Conradi Gesneri Tigurini Obseruationes, accessible à l’adresse: http://ctlf.ens-lyon.fr/notices/notice_023.htm (consulté le 9 juillet 2014).

[2] Anne Bielman, Histoire de l’histoire ancienne et de l’archéologie à l’Université de Lausanne, Lausanne: Université de Lausanne, 1987, p. 13.

[3] Cité in De l’Académie à l’Université de Lausanne: 1537-1987, 450 ans l’histoire, Lausanne: Musée historique de l’Ancien-Evêché, 1987, p. 19.

[4] Cité in Ibid., p. 88.

[5] Voir O. Robert et F. Panese, Dictionnaire des professeurs de l’Université de Lausanne, Lausanne: Université de Lausanne, 2000, pp. 1423-1424.

[6] https://www.unil.ch/central/page43594.html (consulté le 9 juillet 2014).