Si, dès le XVIème siècle, l’Académie entretient déjà des relations avec l’étranger, la création de l’Université de Lausanne en 1890 stimule les échanges et offre à la haute école vaudoise une plus grande place dans le réseau académique international. Le recteur de l’époque, Alexandre Maurer cherche à favoriser l’accès à la langue française aux étudiants étrangers. C’est lui qui instituera en 1895 les premiers Cours de vacances.
En 1892, la Faculté des lettres de l’Université repense son enseignement en fonction de ce nouvel engouement; elle dispense un enseignement spécifique de français pour les étrangers qui étudient en vue de l’obtention d’une licence ès lettres modernes[1]. En 1890 Auguste André, lecteur à la Faculté des lettres[2], donne un cours de diction, théorie et lectures, puis, dès le semestre d’été 1892, un enseignement spécifique destiné aux étudiants étrangers, sous forme d’exercices de diction, de grammaire et de rhétorique. Les quatre heures hebdomadaires initiales sont doublées en 1896 et s’élèvent à dix heures par semaine en 1900. A la rentrée universitaire de l’année 1901, le programme général indique l’existence d’une Ecole spéciale pour l’enseignement du français moderne, comprenant des cours pratiques pour non francophones. Rattachée à la Faculté des Lettres de l’Université de Lausanne, l’Ecole de français moderne est créée et recevra son nom définitif et simplifié en 1923.
D’abord réservé aux étudiants inscrits à la Faculté des lettres, l’afflux toujours plus important des étudiants étrangers dans toutes les Facultés de l’Université engendre l’ouverture de l’Ecole à d’autres Facultés en 1906. L’EFM propose dès lors des enseignements préparatoires orientés davantage vers la traduction et le dialogue[3]. Des exercices de traduction de l’allemand, de l’italien, de l’anglais et du russe vers le français sont notamment donnés. Mais cette ouverture s’est avérée peu fructueuse. L’Ecole se confronte en effet à des problèmes organisationnels, si bien qu’elle referme ses portes et l’enseignement du français langue étrangère restera un domaine propre à la Faculté des Lettres, jusqu’à nouvel ordre. Cette expérience vaine conditionna néanmoins les caractéristiques de l’enseignement du français aux étrangers à l’Université. L’aspect utile d’une maîtrise de la langue se fait essentiellement par le biais de textes littéraires. L’EFM impose son orientation littéraire et se démarque d’un enseignement intensif et purement pratique. A la fin de la formation, l’Ecole délivre aux étudiants un Certificat d’Etudes françaises, vraisemblablement bien coté à l’étranger, au vu du nombre toujours croissant de candidats.
En 1926, Auguste André prend sa retraite et l’Ecole subit une première réorganisation importante. De petites classes homogènes viennent remplacer la grande classe qui était entièrement tenue par le lecteur André. Financièrement, le projet est intéressé; la Faculté confie l’enseignement à des professeurs ne possédant pas un doctorat: René Rapin et Pierre Gilliard. Cette entrée en fonction comme assistant marque pour ces deux professeurs le début d’une brillante carrière à l’Université. Pierre Gilliard, l’ancien précepteur du tsar Nicolas II, revenu en Suisse en 1920, assurera d’ailleurs la direction de l’Ecole, d’abord informellement, puis de manière reconnue, jusqu’en 1949. Le professeur Gilbert Guisan lui succédera jusqu’en 1956. Au cours de ces années, quelques éléments viennent plus ou moins perturber l’Ecole de Français moderne. Au début des années 1930, l’Ecole connaît un fléchissement du nombre d’étudiants, sans doute dû aux difficultés économiques de cette période. La publicité faite à l’étranger est alors intensifiée et donne des résultats satisfaisants. Prospectus, programmes des cours et annonces publicitaires sont expédiés en masse dans les pays qui fournissent habituellement de forts contingents d’étudiants (Allemagne, Angleterre, Hollande, Italie, Scandinavie et les Etats-Unis). La Seconde Guerre mondiale apporte également son lot de perturbations. On constate une diminution des effectifs et, par là même, une réduction des heures de cours.
L’année 1956 voit l’entrée en fonction du directeur Ernest Giddey qui engage une seconde réorganisation de l’Ecole. Il institue des classes indépendantes dans lesquelles les étudiants sont répartis selon leur niveau. Il met également en place un cours spécial destiné aux étudiants venant d’autres Facultés et réussit là où l’EFM avait échoué en 1906. L’Ecole s’ouvre à l’entier du public universitaire.
En 1969, Robert Marclay lui succède à la direction et poursuit le développement de l’Ecole. En 1977, l’EFM s’installe au bâtiment des Facultés des sciences humaines à Dorigny, laissant au passé le bureau mansardé trop petit et les salles de cours improvisées.
En 1986, la venue du directeur René Richterich de l’Université de Berne rompt avec le côté «familial» de l’Ecole lausannoise et offre un caractère davantage «sérieux» à l’EFM. Spécialiste des méthodes actuelles de didactique des langues, il apporte des changements importants à l’enseignement et ses méthodes. Il met notamment en place trois filières: la propédeutique (année préparatoire), la filière en vue de l’obtention d’un Certificat (connaissance de la langue, de la littérature et de la civilisation française) et la filière en vue de l’obtention d’un Diplôme (aptitude à l’enseignement du français langue étrangère). Sa réforme débouche sur un nouveau règlement, le 1er septembre 1994. Mais en 1996 René Richterich disparaît. On ne le retrouvera jamais. Plus le temps passe et plus on suppose qu’il est décédé ; mais tant que la mort n’est pas officiellement reconnue il est difficile de procéder à son remplacement. C’est donc un lecteur, Raymond Capré, qui assume la direction ad intérim de l’Ecole. En 2001, l’EFLE met sur pied le programme Tandem, un partenariat linguistique où deux individus de langues maternelles différentes communiquent régulièrement, face à face ou à distance. L’utilisation du centre multimédia dans ces mêmes années dynamise également l’enseignement de l’EFM et ses méthodes.
En 2004, la professeure associée Thérèse Jeanneret prend la direction de l’Ecole qui change de nom et devient l’Ecole de français langue étrangère (EFLE). En 2012, l’EFLE comptait 1154 étudiants inscrits dans ses programmes d’études, issus de 78 pays différents. En croissance perpétuelle, l’Ecole de français langue étrangère de l’Université de Lausanne est, en 2014, l’un des pôles spécialisés, en Suisse, dans l’enseignement du français à des non francophones.
Carine Desponds - UNIRIS 2014
[1] Il est de règle de désigner par français moderne, la langue française à partir du XVIème siècle, pour la distinguer de l’ancien français (période médiévale). La mention de français contemporain est également de mise pour désigner la langue du moment.
[2] La fonction de lecteur, spécifique à l’Ecole de français moderne, désigne, selon la loi de 1916 un enseignant de langues étrangères. Il est nommé par le Conseil d’Etat pour une durée de deux ans. Sa charge d’enseignement est supérieure à celle d’un professeur. Jusqu’en 1916 il n’y en a qu’un, Auguste André. Puis leur nombre ne cessera de croître.
[3] Projet d’une Ecole préparatoire de français.