Patrice Soom a obtenu son doctorat ès Lettres à l’UNIL en 2010. Il travaille depuis 2014 à la Confédération en tant que conseiller scientifique au Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI) à Berne.
Titre de la thèse : From Psychology to Neuroscience. A New Reductive Account.
« Lorsqu’il s’agit d’envisager la prochaine étape de sa carrière, il faut toujours essayer de se demander quelles sont réellement les possibilités qui sont ouvertes. Je vois énormément de personnes qui envisagent les options de façon extrêmement restrictive, car elles sont focalisées sur les compétences disciplinaires qu’elles utilisent dans leur thèse de doctorat ou dans leur post-doc. Quand on envisage la situation de cette façon, on se place dans une position très difficile pour la recherche d’emploi. »
Je suis passé par l’Université de Lausanne pendant près de onze ans où j'ai été étudiant, assistant-étudiant, doctorant FNS, assistant, puis premier assistant avant de partir continuer ma carrière académique à l’étranger. J’ai rédigé une thèse en philosophie des sciences.
C’est principalement par intérêt que je me suis lancé, sachant qu’une place de doctorant était disponible et que j’avais un bon contact avec mon futur directeur de thèse. Je me disais aussi que, vu mes centres d’intérêts, commencer une thèse de doctorat après des études de Lettres ne pouvait certainement pas nuire à mon insertion professionnelle.
Pas au début. J’ai commencé ma thèse en me disant que j’allais me plonger dans ma recherche. Je pense que c’est une bonne attitude pour commencer, mais aussi qu’il faut rapidement embrayer sur la question « qu’est-ce que je ferai au bout de trois ans lorsque j’aurai terminé ma thèse ? ». Il faut se demander au moins trois semestres avant la fin de son contrat où l’on va et quels moyens on est prêt à se donner pour y arriver.
Non, pas ce poste. Je travaille aujourd’hui dans l’unité Organisations internationales de recherche. Je m'occupe d'organisations internationales de recherche actives essentiellement dans le domaine de la physique. Par contre, j’étais déjà conscient que la Confédération et les cantons pourraient être de futurs employeurs.
Mon rôle est d’une part de de représenter la Suisse dans la gouvernance de certaines grandes organisations internationales de recherche. Je contribue d’autre part à la préparation des décisions des instances politiques fédérales relatives à la participation opérationnelle et financière de la Suisse à ces organisations.
J’aime surtout la dimension de représentation : partir à l’étranger avec un mandat, défendre des intérêts auxquels j’adhère – et parfois auxquels je n’adhère personnellement pas – et me retrouver avec une vingtaine de personnes avec qui il faut essayer de se mettre d’accord pour construire un projet commun dans un cadre international et multilatéral.
Il faut évidemment connaître les langues afin de pouvoir travailler efficacement dans un contexte international, essentiellement le français, l’allemand et l’anglais et idéalement l’italien. Il faut aussi un très bon sens du contact, parfois au travers des cultures, et arriver à créer du lien social efficacement. Il est essentiel de savoir faire passer des messages clairs et aussi synthétiques que possible dans les langues de travail. Il faut aussi un goût pour les questions institutionnelles et une certaine sensibilité politique. Si l’on est finalement peu confronté aux questions techniques et scientifiques dont se nourrissent les recherches menées par ces organisations, on est très souvent confronté aux enjeux politiques nationaux et internationaux qui régissent les relations entre les différents pays avec lesquels la Suisse collabore.
J’ai obtenu mon doctorat en 2010. J'ai eu la chance d’être engagé pour une année supplémentaire à l’UNIL en tant que premier assistant à la Faculté des Lettres, ce qui m’a permis de consolider mes acquis, de publier ma thèse et de trouver une place de post-doc en Allemagne. En 2011, je suis parti à Düsseldorf pour travailler sur un projet de recherche dans l’idée de construire une carrière académique. J’ai eu la chance d’obtenir un contrat de post-doc pour quatre ans. J’avais déjà décidé à ce moment-là que, si je voulais poursuivre ma carrière académique, je devais me donner la capacité d'évaluer régulièrement de façon critique mon propre CV académique et mes propres performances pour savoir si ça valait la peine de continuer ou si, au contraire, j’étais en train de prendre du retard face à celles et ceux qui étaient autant mes collègues que des concurrent·e·s. Je ne voulais pas prendre le risque de me retrouver à 45 ans enfermé dans un mode de vie précaire et très inconfortable avec pour seuls emplois trois charges de cours réparties sur différentes institutions. En cours de séjour à Düsseldorf, mes intérêts scientifiques ont évolué et j’ai dû admettre que je ne disposais pas des outils qui auraient été nécessaires aux recherches que j’aurais alors voulu mener. Ma productivité scientifique a, dans ce contexte, commencé à décliner. Dans le même temps, nous avons, avec ma compagne, commencé à envisager de fonder une famille et décidé que cette nouvelle étape se ferait en Suisse. J’ai donc rapidement conclu qu’il était temps de quitter la voie académique. J’ai mis à profit le temps qu’il me restait à Düsseldorf pour trouver des débouchés en Suisse hors de l’université parallèlement à mon activité de chercheur post-doc. En 2014, j’ai postulé pour un poste de conseiller scientifique au SEFRI : j’ai été engagé sur la base d’un contrat d’une année qui a été renouvelé une fois. Au bout de seize mois, j’ai pu changer d’unité au sein du SEFRI et obtenir le poste à durée indéterminée que j’occupe toujours aujourd’hui.
Je pense que ce n’est pas vrai. Aujourd’hui, il y a une quantité importante d'emplois qui sont bâtis sur des compétences transversales (compétences analytiques, de synthèse, de rédaction et la connaissance des langues) et pour lesquels il n’existe aucune formation type. Le fait d’avoir mené à bien un projet de doctorat ne peut que renforcer ces compétences transversales. Il y a certains domaines où le fait d’avoir une thèse peut être évalué positivement par les recruteurs. Les domaines connexes à la recherche en font naturellement partie. Par exemple, les deux unités dans lesquelles j’ai travaillé au SEFRI emploient majoritairement des personnes titulaires d’un doctorat. Enfin, lorsque je me déplace pour des missions professionnelles afin de représenter la Suisse dans des organes de gouvernance d’organisations internationales de recherche, le simple fait de pouvoir écrire « docteur » à côté de mon nom créée un minimum de proximité avec certain·e·s interlocuteur·trice·s.
Je commencerais par ne pas perdre de vue l’étape en cours. C’est important de trouver du plaisir, de s’investir et de se développer intellectuellement à travers son activité scientifique, qu’il s’agisse d’un doctorat ou d’un post-doc. Ensuite, lorsqu’il s’agit d’envisager la prochaine étape de sa carrière, il faut toujours essayer de se demander quelles sont réellement les possibilités qui sont ouvertes. Je vois énormément de personnes qui envisagent les options de façon extrêmement restrictive, car elles sont focalisées sur les compétences disciplinaires qu’elles utilisent dans leur thèse de doctorat ou dans leur post-doc. Quand on envisage la situation de cette façon, on se place dans une position très difficile pour la recherche d’emploi. Si l’on envisage de changer de voie, il est essentiel de se poser les questions suivantes : quels changements suis-je prêt·e à accepter ? Quelles sont mes principales compétences ? Dans quels aspects de mon travail ai-je actuellement du plaisir ? Il est essentiel de ne pas se focaliser uniquement sur les principales tâches que l’on a pu accomplir au cours de son parcours ni de craindre de gâcher des compétences scientifiques si difficilement acquises. Il est parfaitement possible que ce que l’on préfère soit en fait non pas la créativité théorique, mais la collecte des données, la rédaction des publications voire même la participation à la vie institutionnelle de l’académie. Une fois que la décision est prise, il faut activement la préparer en cherchant à compléter efficacement ses compétences. Si l’on envisage de poursuivre une carrière académique, il est primordial de se demander honnêtement et régulièrement si ça vaut la peine de continuer car il y a un monde au dehors de l’université. J’ai compris plus tard que tant qu’on est à l’université, on vit entouré de personnes qui ne sont jamais sorties de ce milieu. On est donc en permanence entouré de doctorant·e·s, de post-docs et de professeur·e·s. Ces derniers·ères incarnent la réussite académique dans toute sa dimension méritocratique. Nombre d’entre elles/eux sont des personnes qui ont consenti à de lourds sacrifices pour cette carrière au point que l’idée même de la quitter puisse leur paraître insupportable. Dans un tel contexte, il est difficile pour celles et ceux qui appartiennent officiellement à la relève académique de concevoir le fait de quitter l’université autrement que comme un échec. Je ne crois pas que ce soit un échec. Il peut valoir la peine de quitter l’université ; il y a beaucoup de choses importantes, stimulantes et très exigeantes à faire à l’extérieur de l’université dans différents domaines.