Fassa Recrosio Farinaz

Farinaz Fassa Recrosio a durablement marqué de son empreinte la recherche en sociologie de l’éducation au sein de l’Université de Lausanne. Après deux Licences, en Science politique et en Lettres, elle travaille en tant qu’assistante, tout en obtenant son brevet d'aptitude à l'enseignement secondaire. Avant de s’investir dans la profession enseignante à la fin des années 1980, elle part en mission pour le CICR en Afghanistan, au Pakistan et en Afrique du Sud.

Après une dizaine d’années d’enseignement de l’histoire et du français au secondaire II, elle se voit confier par le Département de la Jeunesse et de la Formation du Canton de Vaud un mandat de recherche intitulé « Perceptions et usages de l’informatique scolaire par le corps enseignant vaudois ». Cela lui permet de revenir à l’Unil et de rédiger une thèse de doctorat en sciences sociales, intitulée Société en mutation, école en transformation : le récit des ordinateurs, sous la direction du Professeur Gérald Berthoud. Ce titre permet de résumer à lui seul les intérêts multiples de Farinaz Fassa : si son sujet de prédilection a toujours été l’école et l’éducation, elle a toujours abordé l’institution scolaire comme un élément constitutif de notre société et révélatrice de ses évolutions. Cela s’est traduit, d’une part, par une profonde connaissance des enjeux politiques entourant l’école, et les difficultés à faire avancer des projets transversaux. D’autre part, Farinaz Fassa a toujours pensée l’institution scolaire dans sa dimension dynamique, que ce soit lors de l’introduction des ordinateurs à l’école à l’époque des « autoroutes de l’information » ou encore lors de la promotion de certaines technologies éducatives (tablettes ou robots) plutôt que d’autres (le tableau noir ou blanc). Pour autant, les recherches de Farinaz Fassa ne se sont jamais limitées à la seule critique du déterminisme technologique. Au contraire, elles allient l’examen réflexif de la définition des problèmes sociaux – leur « cadrage », comme elle aime à le souligner - et les enjeux sociologiques d’inclusion et d’exclusion. Cela se retrouve aussi dans l’attirance de Farinaz Fassa pour l’exploration de nouveaux domaines et outils de recherche. Ainsi, elle s’est initiée tant aux méthodes qualitatives que quantitatives, puis aux méthodes mixtes ; outils qu’elle a non seulement utilisés, mais aussi enseignées, pour le plus grand bénéfice de plusieurs générations d’étudiant·e·s.

L’intégration de Farinaz Fassa en tant que chercheuse et enseignante au sein de l’Université de Lausanne a pris de multiples formes, laissant deviner la difficulté des femmes à obtenir toute la reconnaissance qu’elles méritent dans le monde académique. Tour à tour assistante diplômée, professeure remplaçante, cheffe d’unité de recherche, professeure titulaire, ce n’est qu’en 2011, au moment où elle est nommée professeure assistante en PTC, qu’elle peut cesser ses activités professionnelles dans l’enseignement secondaire II et se dédier entièrement à l’enseignement et à la recherche académiques.  Sa carrière a culminé en 2016 avec sa nomination en tant que Professeure ordinaire en sociologie de l’éducation. Tout au long de ce riche parcours, elle a dispensé des enseignements dans ses domaines de prédilection que sont la sociologie de l’éducation et les méthodes, mais aussi en sociologie générale, toujours avec une sensibilité pour les études genre, même si ce domaine n’était pas inscrit dans son cahier des charges.

L’engagement professionnel de Farinaz Fassa lui a permis d’assumer d’importantes missions et responsabilités institutionnelles, dont la direction de l’Observatoire de l’Éducation et de la Formation de l’Unil (OBSEF) et des activités au sein de sociétés savantes, telles que la Société Suisse de Sociologie et l’Association de Recherche sur le Genre en Éducation et Formation (ARGEF) qu’elle a cofondée. Elle s’est également engagée dans les instances de gouvernance de l’Université, par exemple, comme membre du Conseil de l’Unil.  Farinaz Fassa a également assumé de très nombreuses activités éditoriales et d’évaluation. Travaillant sans relâche, elle a consacré ses dernières années au sein de l’Unil à la mise sur pied d’une semaine de recherche internationale consacrée à l’éducation et à la formation et regroupant pas moins de trois manifestations scientifiques différentes sur le campus de Dorigny.

Au niveau local, Farinaz Fassa Recrosio reste dans les mémoires pour ses multiples activités en faveur de la recherche en éducation au sein du canton de Vaud et pour son implication au sein du Conseil scientifique du Master en Sciences et Pratiques de l’Éducation (MASPE). Cependant, le temps consacré au canton de Vaud ne l’a pas empêchée de s’ouvrir aussi à l’international, y compris comme professeure invitée à la University of Western Cape en Afrique du Sud.

Farinaz Fassa a aussi été très active dans la promotion de l’égalité entre femmes et hommes, notamment dans le monde de l’enseignement et de la recherche. Ainsi en témoignent le projet REUNIL « Relève académique. Le doctorat pour quoi ? Entre institutions et parcours. Enquête à l’Université de Lausanne » conduit entre 2006 et 2008, le projet « Enseignement de l’égalité à l’école : représentations et pratiques enseignantes » conduit entre 2011 et 2014, et sa participation au projet européen GARCIA, mais aussi la coordination de plusieurs volumes de la revue Nouvelles Questions Féministes et la publication au Savoir suisse du livre Filles et garçons face à la formation. Les défis de l'égalité, pour ne citer que ses réalisations les plus marquantes.

Bien que l’école soit plutôt associée à l’enfance et à l’adolescence, Farinaz Fassa n’a jamais limité ses recherches à une seule étape du parcours de vie. Elle s’est également intéressée aux trajectoires professionnelles des jeunes chercheuses et chercheurs et à l’accession des femmes aux plus hautes fonctions universitaires. L’un des derniers projets de recherche participative « VIVRA - Bien vivre sa retraite avec les autres », lui permet d’élargir encore sa population d’enquête, puisqu’il s’agit de considérer les problématiques liées au lifelong learning à l’âge de la retraite.
La qualité scientifique des travaux que Farinaz Fssa a conduits tout au long de sa carrière lui a valu de nombreuses distinctions, dont le prix de la Faculté des Lettres de l’Unil en 1983 pour son mémoire de fin d’études, le prix de la Faculté des Sciences Sociales et Politiques de l’Unil en 2004 pour sa thèse de doctorat et le prix de la Fondation Leenaards pour le projet VIVRA en 2019.

Forte et attachante personnalité, exigeante envers elle-même, empathique, mais aussi connue pour ses avis tranchés derrière lesquels il y a toujours une grande réserve d'arguments, Farinaz Fassa se distingue en même temps par sa capacité à prendre en compte des avis différents et à rechercher le compromis. L'engagement et la personnalité de Farinaz Fassa sont ainsi des exemples dont les générations de femmes qui entrent dans la carrière universitaire peuvent s'inspirer.

André Berchtold, avec des contributions de Sabine Kradolfer, Philippe Sormani et Marc Audétat