Requérante principale UNIL
Dr Cynthia Kraus, Faculté́ des sciences sociales et politiques
Requérante principale ULB
Prof. Dr Méd. Sophie Alexander, École de Santé publique
Thématique
Chirurgie plastique génitale
Activité
Développement d’un protocole de projet de recherche conjoint et d’un séminaire
Descriptif
Selon le dernier rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 200 millions de femmes dans le monde vivent avec une excision, appelée aussi mutilation génitale féminine (MGF), et environ un million d’entre elles sont des migrantes, d’Afrique sub-saharienne pour la plupart, qui résident dans des pays à haut revenu. Dans ce contexte, une offre de chirurgie « réparatrice » dite de « reconstruction du clitoris » s’est développée. Dans certains pays d’accueil, cette offre se fait de manière « libérale » avec prise en charge par la sécurité́ sociale, dans d’autres, l’offre est limitée, dans d’autres encore, elle n’existe pas. La culture chirurgicale de la « reconstruction clitoridienne » s’est disséminée ensuite dans certains pays d’Afrique. En parallèle, et dans le même temps, il existe une offre (et une demande) croissante de chirurgie dite « cosmétique génitale » chez des femmes qui n’ont pas eu de MGF dans l’enfance, dites « intactes ». Ces deux types de chirurgie sont mal évalués. Pour la chirurgie de reconstruction clitoridienne la position de l’OMS et que le niveau de preuve est insuffisant pour la préconiser. Lors de deux colloques organises dans le cadre du G3 de la francophonie (ULB, UNIGE, Université́ de Montréal) sur les différentes modalités de prise en charge (chirurgicale et non- chirurgicale) proposée aux femmes vivant avec une MGF, il est apparu que les praticiennes qui la pratiquent défendent avec enthousiasme la reconstruction clitoridienne, et semblent se poser peu de questions.
L’objectif du projet de recherche est double :
Le premier objectif est d’expliciter les représentations ainsi que les concepts qui sous-tendent l’action, à la fois chez les soignants et les femmes. Pour les soignants, il s’agit d’éclairer la logique de leur offre. Par exemple, des concepts tels que « rendre à la femme excisée ce qui lui a été́ injustement enlevé́ lors de l’excision » ou « agir pour le combat féministe » sont des motifs récurrents pour justifier la chirurgie de reconstruction clitoridienne, mais qui nécessitent d’être analysée avec une méthodologie sérieuse. Pour les femmes concernées, il s’agit de mieux comprendre leur parcours en particulier lorsqu’elles ont eu une chirurgie dite de reconstruction. Pour cela, des index standardises d’évaluation de la fonction sexuelle seront utilisés, ainsi que des outils de mesure de la satisfaction globale.
Ici, l’hypothèse faite consiste à dire que le type de prise en charge des MGF est directement liée à la modalité́ d’interdiction des MGF propre au pays d’accueil, les modèles les plus policiers étant associés à une offre de « réparation / normalisation » plus importante. Mais aussi, le projet étudiera des femmes demandeuses de chirurgie cosmétique génitale avec ici une hypothèse symétrique pour voir si la demande pour ce genre de chirurgie est fonction des possibilités de remboursement (par la sécurité́ sociale ou les assurances privées).
Cette analyse comparative permettra in fine d’évaluer la satisfaction sexuelle ainsi que la satisfaction globale en post-opératoire dans les deux types de chirurgie.
Le deuxième objectif est d’organiser un séminaire pour les personnes intéressées sur les aspects sociologiques de la chirurgie plastique génitale y compris les formes ritualisées de MGF. Ce séminaire serait destiné à des personnes déjà̀ impliquées dans la réflexion autour de ces thèmes et irait au-delà̀ du thème du projet de recherche puisqu’il aborderait tous les aspects sociologiques (anthropologiques, genre) et en particulier la question de la ritualisation des MGF.
Il est important de savoir que l’OMS condamne toute forme de MGF qu’elle soit invasive (ex. infibulation) ou symbolique (p. ex. pricking ou « piqûre »), médicalisée ou non, consentie ou subie, pratiquée sur une enfant ou une femme adulte. La tolérance est dite « zéro ». Cette stratégie se veut globale et a le mérite de promouvoir le respect de l’intégrité́ physique et des droits des femmes. Cependant, elle porte un risque de représentation occidentalo-centriste qui distribuerait de manière inégale le droit à disposer de son corps selon l’origine « ethnique » des femmes concernées.
Enfin, le but global du projet de recherche conjoint est de consolider et de formaliser des collaborations interdisciplinaires qui sont en gestation et dont l’aspect sciences humaines et sociales est indispensable pour assurer une réflexion de qualité́ dans une thématique souvent laissée au biomédical. En d’autres termes, l’apport majeur de la collaboration proposée ici est l’intégration des sciences humaines et sociales (représentées ici par les deux membres de l’UNIL et une membre de l’ULB) dans une équipe de recherche et un réseau G3 composés quasi exclusivement de médecins à ce jour.
Calendrier
- 2018 octobre à janvier 2019 : finalisation et soumission de l’article en cours
- Février 2019 : deux jours de travail à Lausanne avec possibilité́ d’interaction avec les étudiants UNIL
- Mai 2019 : séminaire d’un jour associé au colloque MGF du G3 avec finalisation du protocole de recherche